Art et Culture

Soldes estivales : faut-il encore s’encombrer ?

Publié le
22/6/23
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Les soldes de l’été débutent et avec elles, la question du devenir de nos déchets. La fast fashion l’oublie mais les artistes s’en saisissent comme Déborah Fischer. L’artiste plasticienne a exposé sur le thème de nos empreintes aux Bernardins. Retrouvez son interview et son travail en image

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Deborah Fischer est une jeune artiste française. Son goût pour l’errance et l’inattendu l’incite depuis plusieurs années, à collecter des « presque rien », ces éléments qui ont perdu leur utilité mais qui gardent en eux une charge plastique et émotionnelle. Elle les ramasse dans la rue, par terre, les recycle, les manipule et tente de les extraire de leur fonction initiale pour les élever à une dimension personnelle et poétique. Les objets se mettent ainsi à s’exprimer, à respirer. À dire.

Avec ces « presque rien » elle questionne la valeur des choses, la place de l’homme, l’environnement, la trace qu’on y laisse et nous fait comprendre « presque tout » des défis de l’humanité.

Aux origines de l’exposition « Archéologie du présent », quelle était votre ambition ?

Depuis plusieurs années, je m’intéresse aux objets abandonnés dans la rue. « Archéologie du présent » est née parce qu’il me paraissait essentiel de théoriser sur la notion d’« encombrants» et de comprendre les enjeux qui se cachaient derrière les éléments que nous accumulons et que nous jetons. Je souhaitais comptabiliser l’empreinte que nous laissons et interroger les différentes manières de catégoriser ce que j’appelle des « presque rien », ces objets insignifiants, parfois dénués d’utilité, mais pourtant encore si vivants.

Vous interpellez chacun, dans son quotidien…

« Archéologie du présent » interroge notre manière de percevoir les objets et les usages que l’on en fait. Je questionne la perte d’utilité des objets, leur valeur, leur pérennité. Je révèle ceux que nous ne voyons plus. Je leur donne une nouvelle portée à travers l’art. Puisque le sujet même de la recherche interroge l’accumulation, je fais appel à plusieurs savoir-faire (la céramique et le moulage, le tissage et la broderie, le verre…). Cela témoigne aussi de la saturation à laquelle nous faisons face.

Racontez-nous votre exposition…

On retrouve du verre coulé ou soufflé dans différents objets collectés. Les objets se mettent ainsi à s’exprimer, à respirer. À dire. Des cadres servent d’écrin à une série d’objets brodés, mettant ainsi l’accent sur la pérennité de ces éléments, la trace qu’ils laissent et la difficulté à les faire disparaître. Des empreintes en terre cuite se meuvent et se déplacent. Des socles couleur ardoise élèvent certaines œuvres de façon à créer une distance avec l’accumulation qui nous submerge.

@Salim Santa Lucia
@Salim Santa Lucia
@Salim Santa Lucia

@Salim Santa Lucia

En 2021, vous avez été sélectionnée pour travailler avec les chercheurs du programme « Entreprises humaines : Ecologie et Philosophies Comptables » des Bernardins. Quelle a été la nature des relations entre votre recherche artistique et ce département ?

Durant un an et demi, j’ai suivi les séminaires de recherche, échangé avec les chercheurs. Cela a été passionnant de découvrir les liens qu’il existe entre un développement artistique et la construction d’une recherche académique. Des chercheurs ont pu participer au processus de création à travers une marche réflexive dans l’espace public par exemple, ou la prise de photographies d’encombrants. Tout au long des séminaires, j’ai moi-même puisé l’inspiration dans les techniques d’inscription qui servent à catégoriser, à prendre en compte, à compter et à rendre compte. Des liens existent entre développement artistique et recherche académique.

Des liens se sont dessinés, révélés et tissés entre les systèmes comptables, l’écologie et mon appétence pour la collecte des objets. Des mots relevant davantage du domaine artistique que de celui des philosophies comptables, bien que distincts, ont pu s’entremêler et se répondre. Le programme de recherche a donc été un cadre de réflexion et de partage de savoirs.

Quel a été votre processus de création tout au long de ce séminaire ?

C’était la première fois que les thématiques abordées dans mon travail étaient autant conscientisées. Pendant plusieurs mois, j’ai photographié tous les objets-déchets que j’ai rencontrés dans la rue. Cela a donné lieu à une archive de presque 250 photographies d’encombrants et d’objets abandonnés.

Le passage à l’écriture et à la photographie m’a permis de déterrer et de faire surgir les enjeux réels de cette recherche.

J’ai écrit de courts textes autour de certains de ces objets, ce qui m’a permis de réfléchir à plusieurs notions sous-jacentes, notamment celle du don ou de l’abandon. Ce passage à

l’écriture et à la photographie m’a permis de déterrer et de faire surgir les enjeux réels de cette recherche.

En parallèle, j’ai engagé un long travail de collecte d’objets. Dès qu’un objet abandonné m’interpellait, je le ramassais et l’amenais à mon atelier. Puis je réfléchissais à la manière de me l’approprier et de le transformer.

Enfin est apparu le temps du dispositif et de la mise en espace. J’ai alors pensé et conçu plusieurs modes de monstration dans lesquels peuvent apparaître certains concepts issus des philosophies comptables, tels que l’inscription, la catégorisation et le recensement.

Pour découvrir le travail de Deborah Fischer

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