Le spirituel est-il indéfinissable ?
À l’occasion du colloque tenu au Collège des Bernardins les 5 et 6 septembre 2015, intitulé « Le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas ! », Jean-Baptiste de Foucauld, président de Démocratie et Spiritualité revient sur la définition de la spiritualité.
Une réalité sans nom
Comment définir le spirituel et est-ce même envisageable ? Tenter de mettre des mots sur ce qui, par nature, dépasse toutes les formules, n’est-il pas un exercice vain ? Comment exprimer l’inexprimable ?
On connaît en effet la formule de Lao-Tseu : le Tao que l’on peut nommer n’est pas le Tao. De même, le judaïsme repose sur le refus absolu de nommer Dieu. Ce scrupule est le sens même du Tétragramme YHWH. Ses attributs peuvent être nommés, non son essence. Le christianisme connaît lui aussi, à travers la théologie apophatique ou négative, cette notion du caractère inconnaissable et irreprésentable de Dieu.
C’est la nature du spirituel de n’avoir ni limite ni frontière et pourtant d’avoir une densité et même une substance propre. » Jean-Baptiste de Foucauld
Mettre des mots pour comprendre l’expérience du sacré
Mais lorsque nous essayons de nous faire une idée commune de ce que nous recherchons dans la vie spirituelle, est-il possible de s’arrêter à ce silence ?
Que ce dernier soit ineffable ne doit pas nous empêcher de chercher à mieux comprendre ce que nous avons à essayer de vivre, l’expérience que nous faisons dans la vie spirituelle.
Un tel exercice doit donc être entrepris, tout en reconnaissant ses limites, son caractère inévitablement approximatif, insuffisant et insatisfaisant. Aussi imparfait qu’il soit, il peut nous aider à mieux comprendre ce que nous vivons lorsque nous sommes en contact avec le sacré et le divin.
« Ainsi, plus on cherche à approfondir, plus on renvoie et plus on reporte la définition que l’on cherche à cerner. Il faut s’y résoudre et peut-être est-ce mieux ainsi. » Jean-Baptiste de Foucauld
De quoi s’agit-il, dès lors, lorsque l’on parle de vie spirituelle ?
Le spirituel : un vécu intérieur et personnel
La première étape serait de renoncer à une définition objective et universelle. Cette réflexion devient alors proprement moderne en ce qu’elle nous invite à envisager la dimension spirituelle à partir du vécu que chacun peut en faire. C’est à travers l’approche et la recherche personnelles que l’on peut comprendre ce que signifie exactement la quête spirituelle.
« Le spirituel pourrait être « ce qui se passe » quand le Sujet rencontre une Vérité ou une Présence qui le dépasse et à laquelle il adhère. » Jean—Baptiste de Foucauld
Le spirituel consisterait alors, non pas en l’adhésion à une doctrine, mais en l’expérience d’une rencontre et d’un mystère. Il n’exclurait pas totalement la possibilité d’une connaissance intérieure, mais celle-ci relèverait moins de la spéculation théorique que d’une intuition issue de la révélation.
Agir dans le monde pour le transformer
Une mise en action, une pratique : la dimension spirituelle ne se limite pas à la réception passive de la révélation, à la contemplation, à la méditation ou à la spéculation : pour être féconde et trouver tout son sens, elle doit s’incarner dans le monde, par le travail, en influençant l’organisation sociale, notre comportement quotidien et nos relations avec les autres, en organisant également le temps et l’espace.
« Le spirituel n’est pas un sentiment vague. C’est une force active (plus ou moins active) au coeur même de la réalité. » Jean-Baptiste de Foucauld
Le spirituel dans la démocratie
Respect de la liberté de conscience, refus du fondamentalisme : la réalisation spirituelle ne peut se faire dans des conditions saines que dans le respect de la laïcité et de la démocratie. Autrement, elle risque de glisser vers la théocratie et le totalitarisme.
« Les démocraties, tant pour simplement tenir debout que pour accomplir enfin leur ambitieux projet d’égale dignité de chaque personne, ont besoin de la force convictionnelle des religions et spiritualités. Mais inversement, les religions et spiritualités ont besoin des institutions et du climat de la démocratie pour être préservées de leurs penchants autoritaires et sectaires. » Jean-Baptiste de Foucauld
Se déploie ici une réflexion qui permet à la fois d’intégrer les fondamentaux de la spiritualité, dans ses exigences, le caractère fondamental qu’y occupent le mystère et l’ineffable qui déjouent les concepts, les images et les mots, et de les inclure dans nos sociétés sécularisées, non pas comme éléments perturbateurs de la démocratie et menaçant les droits et les libertés au nom d’un retour du religieux et d’une rechristianisation chimérique et dangereuse, mais comme vecteurs de sens qui ne soient pas rupture, mais s’inscrivent au contraire en continuité avec la tradition tout en la renouvelant, ou plus exactement en l’actualisant tout en restant fidèles, d’une fidélité souple, inventive et créatrice, toujours en contact avec son temps. En cela, elle peut tous nous inspirer.
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