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La beauté sauvera le monde : l'art et la foi en dialogue
Peut-on rapprocher le travail de l’artiste et celui du théologien ? Augustin Frison-Roche et le Père Olric de Gélis, directeur de la recherche aux Bernardins, échangent pour mieux comprendre comment l’art et la foi transforment nos regards, nous guident vers le sacré et répondent à nos questions contemporaines.
En 1999, Jean-Paul II écrivait "Personne mieux que vous artistes, géniaux constructeurs de beauté, ne peut avoir l'intuition de quelque chose du pathos avec lequel Dieu, à l'aube de la création, a regardé l'œuvre de ses mains.”1. Le Pape soulignait ainsi la vocation unique des artistes, capables de révéler des "épiphanies de la beauté" et d’en faire don au monde. S’il est facile de citer Dostoïevski et de déclarer que “la beauté sauvera le monde”2, réellement comprendre ce que nous disent le pape et l'écrivain demande de creuser la réflexion.
D’un côté, Augustin Frison-Roche, artiste de l’exposition Épiphanies, un parcours composé de dix-neuf toiles pensées pour l’architecture du Collège des Bernardins, qui invite le spectateur à cheminer parmi les manifestations divines. De l’autre, Olric de Gélis, prêtre et théologien, directeur du pôle de recherche des Bernardins. Ses travaux avec des penseurs comme le philosophe Bruno Latour ou l’historien Grégory Quenet portent sur l’écologie et les rapports entre l’Homme et la Création. Derrière ces profils très différents se retrouvent la même quête de transcendance, la même sensibilité à la Création, la même volonté de comprendre notre monde contemporain.
Pour réfléchir à de nouvelles manières d’habiter le monde et le temps, apprendre à transformer son regard, et s’émerveiller devant les œuvres de l’exposition Épiphanies qui ponctuent ce dialogue, le Collège des Bernardins se fait le lieu de la rencontre entre l’artiste et le théologien.
Contempler l’invisible
Comment, à partir de vos regards d’artiste et de théologien, décririez-vous ce que sont les épiphanies ?
L’art comme la quête d’un signe, d’une transcendance.
Augustin Frison-Roche : La première chose que j’ai envie de dire, c’est que ce mot me fait rêver. Il évoque les Rois mages3, qui est un épisode empreint de mon émerveillement d’enfant. C’est dans un second temps que j’ai découvert que le baptême du Christ4 et les Noces de Cana5 sont aussi appelés “épiphanies”. Pour moi, ce mot est surtout lié à l’émerveillement des enfants devant les crèches des églises de village, faites de santons disparates, où la présence d'un dromadaire suffit à faire rêver. J’associe aussi l'épiphanie à la Lettre aux Artistes de Jean-Paul II (1999). Il y utilise ce mot comme une forme de manifeste artistique, en envisageant l’art comme la quête d’un signe, d’une transcendance, de quelque chose qui dépasse les apparences. Voilà ce que sont les épiphanies pour moi : à la fois des épisodes liturgiques sources d’émerveillement et un manifeste artistique.
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Olric de Gélis : Pour ma part, j’aime beaucoup le “S” à la fin d’épiphanies dans le titre de l’exposition. Comme l’a rappelé Augustin, la fête liturgique de l’Épiphanie rassemble trois moments importants des manifestations du Christ, mais ce pluriel nous invite à une compréhension plus vaste des épiphanies. Dans ce contexte, j’aime particulièrement la part que prend la Création comme moyen et comme lieu de l’épiphanie. La série de tableaux « La forêt était devenue une immense basilique » met la végétation en vis-à-vis des colonnes de la nef des Bernardins, et en renvoyant la nature à la culture, l’intérieur à l’extérieur, renvoie à quelque chose de mystérieux. Vous évoquiez la transcendance, c’est tout à fait ça : les épiphanies sont les manifestations de Dieu et du Christ, mais aussi leur manifestation à travers la Création.
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A.F.R : En employant le pluriel et le sens commun des épiphanies, on leur donne un sens beaucoup plus modeste. Elles évoquent “quelque chose de plus”. Je n’ai pas la prétention de faire apparaître Dieu, mais j’essaie de transmettre un sentiment du sacré, un sentiment que les apparences ne suffisent pas. En lui-même, l’art est déjà une apparition, celle d’un autre rapport au monde, on y fait l’expérience d’un changement de regard, devant la Création par exemple. C’est la raison pour laquelle cette dernière a une place centrale, parce que la contemplation et l’émerveillement sont des regards qui donnent à voir quelque chose au-delà de la Création. Ce sont des choix très personnels, j’ai voulu représenter les épiphanies à travers la Création et la musique, j’ai aussi peint les épiphanies liturgiques, mais d’autres personnes auraient pu choisir d’autres sujets d’épiphanies.
Le regard comme exigence et comme inspiration
C’est en puisant dans cet invisible, dans l’amour et la charité, que l’on peut vraiment contempler le visible.
Vos travaux témoignent d’une attention particulière au monde naturel. Augustin Frison-Roche, la nature apparaît à la fois comme sujet et support dans vos œuvres, notamment avec votre série « La forêt était devenue une immense basilique ». Olric de Gélis, vos recherches au Collège des Bernardins portent en particulier sur les questions environnementales. Quel rôle joue le regard sur votre rapport à la Création ?
O.G : Je crois qu’on ne peut regarder la Création qu’avec un immense amour, sans quoi on ne la voit pas. Ce n’est qu’en ressentant cette nécessité de l’amour qu’on peut s’ouvrir au regard contemplatif. En ce sens, il existe un rapport très fort entre la Création et le visage du prochain : l’émerveillement devant le nouveau-né rejoint celui que suscite la Création. On peut donc parler d’amour mais aussi de tendresse. Ainsi, ceux qui admirent la Création sans considérer leur prochain ne pourront pas y trouver Dieu. Ce sont les travaux de l’Église sur la question écologique, en particulier Laudato Si6, qui m’amènent à cette conclusion : le Dieu qu'on trouve dans la Création est aussi celui du prochain, des petits et des faibles. Ce discours peut paraître naïf, mais je suis persuadé que la naïveté est parfois bonne. C’est ce que le philosophe Paul Ricoeur affirme à travers le concept de “seconde naïveté”7 : une naïveté consciente, choisie, qui transcende la critique et accepte les difficultés. Les œuvres d’Augustin invitent à regarder l’invisible en nous mettant par exemple en présence de la Trinité. C’est en puisant dans cet invisible, dans l’amour et la charité, que l’on peut vraiment contempler le visible.
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A.F.R : Ce que vous dites sur la naïveté me semble très important, puisque c’est un regard que je m’efforce de retrouver. Être peintre, être artiste, c’est un travail permanent pour garder cette capacité naturelle d’émerveillement qu’ont les enfants. Il ne s’agit pas d’avoir un regard simplement enfantin mais un regard mature qui se nourrit de cette naïveté. Je sens bien dans mon travail que beaucoup de choses reviennent à des épisodes d’enfance. Je pense qu’on peut vivre toute une vie d’artiste sur ses acquis de l’enfance, et c’est dramatique quand on sent que certains enfants sont privés par leur environnement de cette capacité à s’émerveiller. Quand ce regard est posé sur la Création, il dépasse les perspectives utilitaires et matérialistes, c’est un regard d’affection, poétique. Travailler sur les problématiques environnementales peut être abordé d’un point de vue uniquement technique, on peut ainsi parvenir à un environnement ajusté en termes d’émissions de carbone mais déshumanisant, parce qu’on n’a pas eu le souci de maintenir l’harmonie visuelle de la nature.
Olric de Gélis, est-ce que l’art peut être pour un théologien un moyen de comprendre, d’appréhender certains mystères ? Quelle place a-t-il dans votre approche intellectuelle ?
Parler de choses profondes à l’aide de formes simples.
O.G : Évidemment, l’art joue un rôle important. La théologie a une dimension contemplative, qui mobilise le cœur comme l’intelligence, et qui se retrouve à la source et au terme du travail. Le travail de l’artiste intervient pour enrichir cette contemplation. Par exemple, j’aime particulièrement les Passions selon saint Jean et saint Matthieu de Jean-Sébastien Bach, qui suivent le récit évangélique en les ponctuant de passages repris de la tradition. C’est une manière de revisiter le texte biblique qui n’est pas un travail de théologien mais qui apporte une profondeur nouvelle. Les artistes et les œuvres doivent être des interlocuteurs pour les théologiens, et c’est une chance de pouvoir les accueillir au Collège des Bernardins pour nouer ce dialogue. Une autre perspective sur le travail de théologien, c’est celle de la prédication. Elle se rapproche de l’art dans sa manière de parler de choses profondes à l’aide de formes simples.
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A.F.R : Je suis tout à fait d’accord, quand on me demande s’il faut avoir fait des études de théologie pour peindre des sujets sacrés, je réponds que ce sont deux chemins parallèles qui cherchent la même chose. Mais j’aime votre idée que l’art se retrouve au début et à la fin de la réflexion théologique. Un tableau qui représente un sujet religieux a besoin la plupart du temps d’une théologie très simple puisque l’image n’explique pas, elle est le point de départ de la réflexion. Pour peindre une Annonciation8 par exemple, je n’ai besoin que d’éléments très simples, en réponse à la question : “qu’est ce qui est le plus important ?” : l’Annonciation est un point de rencontre entre le ciel et la terre. On voit beaucoup de tableaux qui ne “fonctionnent pas”, qui ne sont pas bons parce qu’il y a justement trop de théologie. Vouloir mettre en image de telles notions devient trop lourd, trop didactique et finalement incompréhensible. Évidemment, des notions de théologie peuvent enrichir mon travail, mais de façon différente, en le complétant.
Votre rôle à tous deux est de traduire un message pour le transmettre. Quelle place occupe le regard du public dans votre travail ?
Adapter la représentation permet que l’art soit une porte ouverte.
A.F.R : Le regard du public est fondamental pour moi, et c’est lui qui a le dernier mot. En reprenant l’exemple de l’Annonciation, si tout le monde voit quelque chose de très différent, c’est que mon tableau n’est pas bon. Je tiens aussi compte du regard du public lors des commandes. Je ne vais pas faire le même tableau pour un monastère bénédictin, où il ne sera vu que par des moines qui ont une certaine formation théologique, que pour une église paroissiale ou un lieu comme les Bernardins, où les profils sont plus divers. Adapter la représentation permet que l’art soit une porte ouverte. Un tableau très précis pensé pour un monastère sera sûrement une porte fermée pour beaucoup de visiteurs des Bernardins. C’est cette attention à ce regard-là qui me permet de trouver le ton juste pour peindre la bonne image.
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Et qu’en est-il de la recherche, qui peut être perçue comme inaccessible ?
O.G : Le travail intellectuel suit la forme d’un arc : on s’éloigne du sol avec la recherche mais il faut atterrir après. Pour moi, en tant que théologien et prêtre, le point d’arrivée c’est la prédication, l’homélie. Bien sûr, on peut publier des articles ou des livres avant l’homélie, mais elle reste l’aboutissement. On peut faire des parallèles avec ce que dit Augustin sur l’importance du regard des spectateurs : l’homélie est un acte de dialogue, il faut avant tout que les gens suivent. Il faut parfois changer de façon de faire si ça ne porte pas. Je pense aussi ne pas pouvoir prêcher si je n’ai pas le cœur habité par l’amour de ceux qui écoutent. Cette question de l’amour, de la charité, il faut qu’elle irrigue tout le travail en amont. Dans la façon même d’écrire un article, de penser un travail scientifique, de travailler en équipe, ce contexte d’amour est primordial. Cela permet une exigence humaine et spirituelle qui, à partir de la finalité, remonte le cours de la production des travaux.
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A.F.R : En effet, penser au public permet de maintenir un certain niveau d’exigence. Je pense souvent à la dimension de service, qui se retrouve dans une commande pour des particuliers, mais est beaucoup plus nette lorsque la commande vient d’une communauté paroissiale. Il m’arrive d’accepter une commande à contre-cœur, parce qu’elle ne correspond pas à ce que j’ai envie de faire, à une logique de carrière ou à un aspect financier. Cela me rassure de me savoir capable d’accepter des commandes lorsque je sens qu’il y a un réel besoin, une attente, et que ça l’emporte sur d’autres aspects du métier. C’est ce qui me met dans une disposition particulière pour travailler et me maintient au plus haut niveau d’exigence, en m’interdisant de me reposer ou de tomber dans la facilité.
Apprendre au monde à ralentir et à créer
Dans un monde contemporain caractérisé par la vitesse, l’individualisme et le matérialisme, quelle place reste-t-il pour les artistes et les prêtres ?
On vit dans un monde très bruyant, mais on a toujours besoin d’harmonie, donc on écoute toujours de la musique.
A.F.R : Il y a toujours une place pour les artistes, ce n’est pas un problème. Ce qui est plus difficile aujourd’hui pour un peintre, c’est de fixer le spectateur devant une toile. Nous sommes toute la journée distraits par notre portable, par une image rétro-éclairée et dynamique. Il est difficile de rivaliser en proposant une image statique. Un artiste du XIIe siècle qui peignait une église provoquait un choc visuel beaucoup plus frappant pour les spectateurs. Aujourd’hui, il faut réussir à retenir l’attention, faire ralentir, s’arrêter, alors que les images sont partout. C’est difficile mais pas impossible, on en a la preuve avec les visiteurs aux Bernardins. On peut comparer cette situation avec la musique : on vit dans un monde très bruyant, mais on a toujours besoin d’harmonie, donc on écoute toujours de la musique. L’abondance d’images, c’est un bruit environnant qui n’atteint pas notre soif d’images construites, fines, porteuses de sens. Certes, avec ce bruit, il faut réussir à se faire entendre, mais le besoin de ces images reste intact.
O.G : C’est une question qui me fait penser au diagnostic du philosophe allemand Hartmut Rosa, qui parle de “société accélérée”9. En travaillant sur cette idée d’accélération, il remarque que les gens deviennent aliénés, arrachés à eux-mêmes. Ce qu’il propose comme modèles face à cette accélération, ce sont les expériences de résonnance. Ces expériences sont des vis-à-vis : face à quelque chose ou à quelqu’un, on se stabilise, on entre en dialogue, le temps s’arrête un instant, une nouvelle dimension s’ouvre, plus profonde. Dans un monde aliéné, ce sont des expériences éminemment thérapeutiques. L’art et la religion sont des expériences de résonnance qui occupent une place particulièrement importante. C’est une manière de poursuivre la réflexion d’Augustin : malgré notre monde bruyant, le besoin d’images et de musique demeure car l’Homme contemporain a soif de résonance. En tant que prêtre et théologien, c’est l’une de mes missions de puiser dans le corpus des Écritures Saintes et de la Tradition chrétienne des mots, des idées qui peuvent créer ces points de résonnances. Il s’agit d’arrêter l’Homme contemporain et de le faire entrer dans une nouvelle perspective, où il découvre qu’il est plus qu’un atome qui circule dans un accélérateur de particules.
Olric de Gélis, dans le cadre de vos recherches, vous avez affirmé l’importance des descriptions et des imaginaires face à un futur que nous percevons comme sombre. Comment les artistes peuvent-ils nous aider à voir l’avenir ?
Lorsqu’on décrit ce qu’il se passe, un choc advient, un rapport affectif peut émerger, et on peut transformer cette émotion en action.
O.G : En effet, nous partons en visite de terrain une semaine par an avec un collectif de chercheurs, et en général nous sommes accompagnés d’artistes. Notre dernière visite a eu lieu dans la baie de Douarnenez, avec une photographe et une chorégraphe. Ce qu’apportent ces artistes, c’est justement une capacité à entrer en résonance, à s’arrêter. Nous travaillons beaucoup avec l’idée de “description” du philosophe Bruno Latour10, qui consiste à rendre compte de la complexité du réel pour le comprendre tel qu’il se manifeste, sans le réduire à des abstractions. Ainsi, établir des descriptions demande de sortir des paradigmes temporels classiques, de prendre le temps. C’est un fondement nécessaire à une action féconde. Par exemple, avec la question écologique, l’action est difficile car nous n’avons jamais pris la mesure de ce qu’il se passe sous nos pieds dans la terre ou dans nos haies. Lorsqu’on décrit ce qu’il se passe, un choc advient, un rapport affectif peut émerger, et on peut transformer cette émotion en action. C’est une méthode beaucoup plus forte que de partir de la tête et d’essayer d’imposer des programmes.
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A.F.R : Tout à fait, je pense que l’observation des mécanismes du vivant est une vraie source d’émerveillement, qui n’est pas incompatible avec ce regard de précision. J’aimerais ajouter une autre strate au regard, celle de l’imaginaire collectif. À l’observation se superpose l’histoire, la littérature, la poésie : face à un arbre, je reconnais un chêne, le microcosme qui l’habite, mais aussi de nombreux épisodes de la Bible et de l’Histoire de France. Face à un cerf ou un loup, ce sont des contes qui viennent à l’esprit. Cet imaginaire collectif a des racines très profondes, et ce regard-là nous inscrit dans un temps suspendu, nous permet de ralentir. Je recherche cet imaginaire hors du temps dans ma peinture, en essayant de capter avec la richesse de la Création cette richesse supplémentaire, invisible, qui lui donne une forme. Tout cela est pour moi une source très sûre d’épiphanies, d’émerveillement.
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Augustin Frison-Roche, dans un monde où la domination de l’Homme s’exprime de manière destructrice, comment réapprendre aux Hommes à créer ?
Il faut aussi s’émerveiller de l’action de l’Homme sur la nature.
A.F.R : L’Homme a toujours détruit la Création, mais aujourd’hui nos moyens techniques nous permettent de le faire dans des proportions sans précédent. Puisque la Création est harmonieuse en elle-même, on pourrait dire que sans les Hommes, nous sommes sûrs de la préserver. Cependant, l’Homme a prouvé être capable d’ajouter quelque chose à la nature en créant une harmonie différente, sans forcément détruire. Dans cet entretien, nous parlons beaucoup de contemplation de la nature, mais cela n’exclut pas le travail de l’Homme. Il ne s’agit pas de chercher une nature “intacte”. Si aujourd’hui il existe plusieurs milliers de variétés de pommes, c’est grâce à l’Homme qui a sélectionné un fruit sauvage pour créer différentes formes, couleurs et saveurs. Il faut aussi s’émerveiller de l’action de l’Homme sur la nature. Je pense que c’est précisément ce qui distingue la vision chrétienne de l’écologie, qui ne voit pas l’Homme comme un virus qui gangrène la Terre. Cependant, certaines choses méritent d’être redéfinies avec la destruction sans précédent qui s’opère, c’est pour ça que des textes comme Laudato Si arrivent maintenant.
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Apprendre aux Hommes à créer est capital, mais il faut aussi apprendre à entrer dans une volonté de rédemption.
O.G : Ce que dit Augustin est vraiment important. Il existe toute une partie de la réflexion écologique contemporaine qui cultive de manière plus ou moins consciente un pessimisme à l’égard de l’Homme. L’Église catholique a toujours été extrêmement claire sur la question : dès le XVIe siècle à l’occasion de débats avec la pensée protestante, elle affirmait que l’Homme n’était pas condamné à poser des actes mauvais. L’Homme n’est pas à penser en dehors de la nature, il existe en relation avec elle, même si certaines sont parfois destructrices. Comme l’a rappelé Augustin à travers l’exemple des pommes, la nature est aujourd’hui largement anthropisée : les paysages comme les animaux sont influencés à différents degrés par l’action humaine. Pourtant, cette nature est belle. Cela permet de comprendre que créer, agir sur la Création, peut faire advenir de nouvelles réalités, de l’enrichir. Une partie de ces actions positives consistent aussi à réparer. La réparation, la rédemption, sont des sujets éminemment chrétiens, et il est important de réfléchir aux actions réparatrices de l’Homme dans un contexte écologique dégradé. L’art joue ici un rôle majeur, pour susciter l’espérance, mobiliser de l’énergie, apaiser les cœurs. Ainsi, apprendre aux Hommes à créer est capital, mais il faut aussi apprendre à entrer dans une volonté de rédemption. Pour cela, il s’agira de commencer à percevoir la joie de consoler, de réparer, de soigner et de guérir. Ce sont des actes humains, qui n’appartiennent pas qu’aux chrétiens.
1 Lettre du Pape Jean-Paul II aux artistes, 4 avril 1999.
2 F. DOSTOÏEVSKI, L’Idiot, trad. fr. A. Mousset, Bibl. de la Pléiade, Gallimard, p. 464.
3 Les Rois mages sont des sages venus d'Orient pour adorer Jésus à sa naissance, guidés par une étoile (Matthieu 2, 1-12).
4 Le baptême du Christ marque le début de son ministère, lorsqu'il est baptisé par Jean dans le Jourdain et désigné comme le Fils de Dieu (Matthieu 3, 13-17).
5 Les noces de Cana sont le premier miracle de Jésus, transformant l'eau en vin lors d'un mariage (Jean 2, 1-11).
6 Pape François, Laudato Si’ : Sur la sauvegarde de la maison commune, 2015
7 Paul RICŒUR, Réflexion faite : Autobiographie intellectuelle, 1995
8 L’Annonciation est l’annonce faite par l’ange Gabriel à Marie qu’elle concevra Jésus par l’Esprit Saint (Luc 1, 26-38).
9 Hartmut ROSA, Aliénation et accélération. Vers une théorie critique de la modernité tardive, 2012
10 Bruno LATOUR, Où atterrir ? Comment s’orienter en politique, 2017
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