Comment devient-on Saint ? Une définition de la sainteté

De Saint Augustin à Carlo Acutis, l’Église reconnaît un certain nombre de saints, à tel point que chaque jour est l’occasion d’une fête pour l’un ou plusieurs d’entre eux. Mais qu’est-ce qu’un Saint ? Pourquoi et comment est-on reconnu Saint par l’Église catholique ?

Publié le
5/3/25
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Qu’est-ce qu’un saint ?

Selon le catéchisme de l’Église catholique (paragraphes 1999-2000), Dieu est source de toute sainteté. C’est une des conséquences du premier commandement de Dieu dans les tables de la Loi remises à Moïse : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit », impliquant que le Dieu des Juifs puis des Chrétiens est un Dieu unique, seul donc à être saint.

Pourtant, chez les Chrétiens, on dit bien qu’un certain nombre de personnes, hommes et femmes, furent des saints. Comment dès lors comprendre ce terme ? Dans la première lettre aux Thessaloniciens (1 Th 4 : 3-7), un des livres de la Bible, saint Paul annonce que la volonté de Dieu pour tous les baptisés est la « sanctification ». Par ce terme, l’apôtre invite chaque Chrétien à mener une vie qui soit la plus possible en conformité avec celle de Jésus, c’est-à-dire Dieu. Cette imitation du Christ permet de se mettre en conformité avec la sainteté qui émane de Dieu.

Par conséquent, chaque chrétien est appelé à la sainteté, c’est-à-dire à mener une vie qui soit le plus possible guidée par la foi et les vertus mises en avant par la vie de Jésus. C’est ce que proclame la constitution Lumen Gentium du Concile Vatican II :

« Il est donc bien évident pour tous que l’appel à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité s’adresse à tous ceux qui croient au Christ, quel que soit leur état ou leur forme de vie » - Lumen Gentium, Chapitre V.

Il existe plusieurs critères pour déterminer si une personne, après son décès, est sainte. Parmi ceux-ci, trois principaux permettent de définir ce que sont les saints pour les catholiques :

  • Une fidélité exemplaire à Dieu : par un grand respect des préceptes de Dieu, de l’Église et des Évangiles.
  • La pratique héroïque des vertus : des efforts continus et exceptionnels pour accueillir la grâce de Dieu par la charité envers les plus pauvres, l’humilité du mode de vie ou l’espérance dans le Salut par exemple.
  • La réalisation de miracles : on considère que Dieu peut agir à travers les saints, avant ou après leur décès, pour réaliser des événements inexplicables, tels que des guérisons.

Par ailleurs, parmi tous les saints reconnus par l’Église catholique, on distingue deux catégories de saints particuliers, qui ne composent qu’une partie de l’ensemble :

  • Les martyrs : les saints morts pour leur foi, auxquels il est possible d’ajouter les confesseurs, qui furent torturés ou emprisonnés. Les martyrs sont dispensés du constat des miracles dans leur cause de sanctification.
  • Les docteurs de l’Église : qui se distinguent par l’excellence de leur enseignement spirituel.

Le plus souvent, il est possible de reconnaître une personne comme sainte plus ou moins longtemps après son décès. La personne sainte se trouve auprès de Dieu, qui lui accorde le salut. Dès lors, il n’est plus nécessaire de prier pour la personne sainte, mais il est possible de la prier afin qu’elle intercède auprès de Dieu. C’est la base de la communion des saints et du culte des saints.

Michiel Coxie, Le Martyr de Saint Sébastien, 1575

Qu’est-ce que la communion des saints ?

« Je crois en la communion des saints » proclame-t-on dans le Credo de l’Église catholique, c’est-à-dire la profession de foi auxquels se rattachent les croyants, ici les Catholiques. Pour bien comprendre cette phrase, il est nécessaire de revenir sur ce qu’est l’Église. Ce terme vient du grec Ekklesia qui signifie une assemblée. C’est le terme que l’on utilise pour traduire le mot hébreu qahal, qui signifie « l’assemblée du peuple de Dieu ».  Il est important de comprendre que cette assemblée, cette communauté des croyants, dépasse les murs des églises (bâtiments physiques). En fait, l’assemblée de l’Église transcende l’espace et le temps, c’est-à-dire qu’elle inclut les baptisés passés, présents et à venir, les anges et les saints.

Dans ce contexte, chaque membre de l’Église est appelé à prier pour les autres. Ce soutien mutuel par la prière est appelé intercession et constitue le fondement de la communion des saints. Dans le catéchisme de l’Église catholique, ce terme renvoie à deux significations. Il s’agit d’abord de la participation de toute l’Église aux choses saintes(c’est-à-dire à la sainteté de Dieu), et ensuite de la communion entre les personnes appelées à la sainteté, ou saintes.

Au sein de cette communion, le culte des saints, qui n’ont plus besoin d’être sauvés, occupe une place particulière. En effet, les Églises catholique et orthodoxe considèrent qu’il est possible de prier un saint (et non pour un saint), afin qu’il intercède dans la prière auprès de Jésus, qui intercédera à son tour auprès de Dieu le Père.

Qu’est-ce que le culte des saints ?

Pour introduire le thème du culte des saints, il convient de faire une précision importante : si les saints peuvent être considérés comme modèles ou priés, ce n’est qu’en vertu de leur position d’intercesseurs envers Dieu. Prier ou adorer un saint pour lui-même relève de l’idolâtrie.

D’un point de vue historique, le culte des saints remonte à la fin du Ier siècle après Jésus-Christ. En effet, l’archéologie montre que la tombe de saint Pierre à Rome a fait l’objet d’une dévotion particulière, au point qu’un nombre important des premiers Chrétiens romains ont souhaité avoir leur sépulture auprès de celle-ci. Ainsi, dès l’origine du culte des saints, apparaît en parallèle celui des reliques. Dès les débuts de l’Église, une distinction apparaît entre le culte rendu aux saints et celui voué à Dieu.

Le schisme entre catholiques et orthodoxes, dont le point culminant fut le siège de Constantinople lors de la quatrième croisade en 1204, n’a pas porté sur la question des saints et on retrouve ainsi le culte de ceux-ci, bien que dans des configurations différentes, dans ces deux dénominations chrétiennes. Aujourd’hui, ce qui différencie surtout le culte des saints entre catholiques et orthodoxes concerne la canonisation, à savoir le processus formalisé de l’Église catholique mené sous la direction du Pape pour que quelqu’un soit reconnu comme saint, que l’on ne retrouve pas chez les seconds. En effet, les orthodoxes se reposent sur la piété populaire et des synodes locaux du clergé pour faire émerger des saints. Par ailleurs, ils accordent une place toute particulière et ancienne aux icônes (aux représentations) pour le culte des saints.

Sur ce point, les différences entre catholiques et protestants sont beaucoup plus marquées. En effet, le culte des saints fut l’un des vecteurs de divisions dans l’Église lors de la Réforme. Parmi leurs principes, Martin Luther et les réformateurs énonçaient le Solus Christus (seul le Christ). Selon cette doctrine, si Jésus-Christ est le seul intercesseur entre Dieu le Père et les Hommes – ce que reconnaissent aussi les Catholiques -, il n’est pas légitime de prier les saints pour qu’ils intercèdent pour les Hommes auprès de Jésus. Ainsi, les saints et leur culte n’ont donc pas leur place selon cette conception.

Ainsi, au fil de l’Histoire, l’Église catholique a développé sa propre compréhension de la sainteté, respectant un certain nombre de codes et une procédure emblématique pour reconnaître une personne comme sainte : la canonisation.

Abraham Willemsen, Scène de la vie de sainte Élisabeth de Hongrie, XVIIe siècle

Qu’est-ce que la canonisation ?

Le terme « canonisation »vient du grec Kanôn, qui signifie « règle ». Il a été notamment employé par saint Paul dans la lettre aux Galates pour évoquer les codes de conduite de la vie chrétienne (Ga 6 : 16). Aujourd’hui, la canonisation correspond au processus codifié par lequel on peut inscrire une personne au catalogue des saints.

À cet égard, il est important d’ajouter une précision : la canonisation ne fait pas d’une personne un saint, elle reconnaît qu’une personne est effectivement sainte. En effet, l’Église romaine, son clergé et ses fidèles ne disposent pas de la connaissance de l’entièreté des saints du Ciel, et peuvent d’autant moins accorder ou non la sainteté. En revanche, la canonisation est une procédure de recherche qui permet de reconnaître et d’affirmer qu’une personne est bel et bien sainte.

Le procès en canonisation est organisé par la Congrégation pour les causes des saints, il faut ici comprendre le mot congrégation comme l'équivalent d'un ministère pour l'Église catholique. Il existe six étapes dans le processus de canonisation :

  • L’étape diocésaine : dans le diocèse de la personne réputée en odeur de sainteté (qui doit être décédée), l’évêque nomme un postulateur, sorte d’avocat de la cause de sanctification, chargé de mener une enquête afin d’apporter la preuve de l’héroïsme des vertus du candidat.
  • Le tribunal pour la cause de sanctification : si l’évêque juge que la candidature est crédible, il confronte le postulateur à un promoteur de justice, chargé de trouver les failles de la cause de sanctification. De plus, une commission historique et théologique est chargée d’analyser l’enquête du postulateur. Lors de la session de fermeture de ce tribunal, les témoignages sont scellés et la cause de sanctification peut suivre son cours.
  • L’étape romaine : le postulateur envoie une commission au Vatican afin de rédiger la Positio, un ouvrage compilant les preuves de sa cause de sanctification. Une commission est chargée de l’étudier puis de l’envoyer aux membres de la congrégation pour les causes des saints.
  • La proclamation du décret sur l’héroïsme des vertus : si les conclusions de la congrégation sont positives, alors le Pape peut proclamer le décret sur l’héroïsme des vertus (ou sur le martyr). Dès lors, le candidat est reconnu comme un serviteur de Dieu vénérable en raison de l’exemplarité de ses vertus théologales (foi, espérance, charité) et de ses vertus cardinales (prudence, tempérance, force d’âme et justice), ou bien de son martyr.
  • La béatification : le Pape peut proclamer la béatification d’un vénérable, c’est-à-dire de le reconnaître comme Bienheureux, si un miracle posthume lui est attribué par un comité d’experts (médecins, théologiens, membres de la Congrégation pour les causes des saints etc.). La béatification permet de rendre un culte local au Bienheureux, dans son diocèse d’origine. La mort en martyr dispense du constat d’un miracle pour la Béatification.
  • La canonisation : dernière étape du processus de sanctification, la canonisation valide la sainteté du Bienheureux par la reconnaissance, par un comité d’experts, d’au moins un second miracle. Le Pape proclame alors la sainteté du candidat, digne d’être vénéré par toute l’Église catholique. En général, la canonisation d’un bienheureux par le Pape est révélatrice d’un message que celui-ci veut porter pour toute l’Église.

Il ne faut donc pas confondre béatification et canonisation, la première n’étant qu’une étape de la seconde, indiquant que le Bienheureux est au Paradis dans la béatitude auprès de Dieu. Au moment de la rédaction de cet article, Carlo Acutis est encore un Bienheureux, il a été béatifié, et sera bientôt canonisé. Sa cause de sanctification aura duré quatorze ans.

École romaine de peinture, Saint Philippe Néri, XVIIIe siècle

Conclusion

Chaque chrétien baptisé, à qui la sainteté a été transmise par le Christ, est donc bien appelé à être un saint auprès de Dieu. La sainteté est donc la vocation de chaque chrétien, et non un plan de carrière post-mortem. Dans ce contexte, l’Église n’est pas une autorité chargée de décider qui sont les saints, elle peut cependant, grâce au processus de canonisation, reconnaître que certaines personnes sont bel et bien saintes. Les saints ne sont pas non plus des êtres surnaturels et parfaits, mais bien des humains faillibles, qui sont parvenus à incarner le message des Évangiles. Ainsi, Charles de Foucauld a-t-il mené une vie d’excès avant de consacrer sa vie à Dieu et de devenir un modèle de sainteté par sa foi et son humilité. Devenir saint n’est pas renier son humanité.

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Crédit image en-tête : Gherardo Starnina, Un saint évêque et saint Laurent, XIVe siècle

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