Comment ont été choisis les textes de la Bible ?

Qui garantit aux chrétiens que tel ou tel livre fait vraiment partie de la Bible ? À qui appartient-il, en définitive, de dire si tel livre doit être reçu comme contenant la Parole de Dieu et donc comme faisant partie du canon biblique ? Cet article définit ce qu’est un canon biblique, puis examine la question pour les livres de l’Ancien Testament, et enfin pour ceux du Nouveau Testament.

Publié le
19/8/24
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Qu'est-ce qu'un canon biblique ? 

Le mot « canon » vient du grec kanôn, qui signifie « règle, mesure ». Pour les Pères de l’Église, il a d’abord désigné la règle de la foi, transmise par les apôtres. C’est à partir du milieu du IVe siècle, environ, que le nom « canon » en vient à désigner l’ensemble des livres inspirés qui contiennent cette règle. En ce sens, on dira que le canon est la collection, recueillie sous l’autorité de l’Église, des livres qui, en tant que divinement inspirés, contiennent la règle de la vérité révélée.

Nous précisons bien « sous l’autorité de l’Église ». Il faut bien voir, en effet, qu’on ne peut pas demander à l’Écriture elle-même de garantir son caractère inspiré. Seule une autorité extérieure peut donner cette garantie. Cette autorité existe : c’est celle du Christ d’abord, puis des apôtres envoyés par lui, et enfin de l’Église, fondée par eux et sur eux.

Le canon de l’Ancien Testament

Pour l’Ancien Testament, le canon scripturaire des catholiques ne peut être que celui des apôtres. Or, en fait de canon, les apôtres ont simplement adopté celui qui était reçu de leur temps, en Palestine comme dans la diaspora juive, à savoir celui de la Septante (Ecritures saintes traduites en grec). Ce qui veut dire qu’ils n’accueillaient pas seulement comme inspirés par Dieu les livres écrits en hébreu ou en araméen. Les apôtres acceptaient aussi des livres écrits directement en grec, ou bien conservés seulement en traduction grecque. C’est le cas, par exemple, des livres de Tobie et de Judith.

Le canon des Esséniens de Qumran comportait aussi ce genre de livres, puisqu’on a trouvé dans leur fameuse bibliothèque, près de la mer Morte, des fragments de tous les livres bibliques, hébreux ou grecs, sauf le livre d’Esther.

Nous touchons ici à un point capital : le statut des livres qu’on appelle, de nos jours, « deutérocanoniques », c’est-à-dire « du deuxième canon ». Il s’agit de livres dont on ne possède que le texte grec, même si la plupart ont été écrits d’abord en hébreu ou en araméen puis traduits en grec. Les Juifs les rejettent. La plupart des protestants font de même.

Dans les deux premiers siècles de l’ère chrétienne, l’Église entière semble bien posséder paisiblement un canon aussi large que celui de la Bible grecque, qu’on appelle la Septante. Il faut attendre les IIIe et IVe siècles pour que des doutes s’élèvent au sujet des fameux livres « deutérocanoniques » et que certains Pères, comme saint Athanase d’Alexandrie, les considèrent comme bons, utiles, mais non inspirés.

Mais ces doutes ne touchent que certaines Églises d’Orient, justement celles qui sont le plus en contact avec les Juifs. En Occident, rien n’indique la moindre hésitation. Le seul Père d’Occident qui déclarera non inspirés les livres dont on n’a pas de texte hébreu sera saint Jérôme, précisément le plus influencé par les traditions juives. Mais son avis n’a pas prévalu contre ce qui était déjà l’usage de presque toutes les Églises en son temps.

L’exemple de saint Jérôme nous montre que ce qui a fixé les limites du canon, c’est bien la coutume des plus anciennes Églises, et non pas l’avis des biblistes, si savants fussent-ils.

Le canon du Nouveau Testament

Qu’en est-il, maintenant, du canon du Nouveau Testament ?

Le P. Lagrange, fondateur de l’École Biblique de Jérusalem, a montré que, pour les premières communautés chrétiennes, un critère a été décisif : l’origine apostolique des écrits. Sur cette base, on peut distinguer trois cas.

  1. Certains livres, en fait le plus grand nombre, ont été reçus tout de suite et partout comme inspirés, parce que leur origine apostolique ne faisait de doute pour personne. C’est le cas de nos quatre évangiles : deux sont attribués respectivement aux apôtres saint Matthieu et saint Jean, deux le sont à des disciples des apôtres, à saint Marc, disciple de saint Pierre et à saint Luc, disciple de saint Paul.
  2. Le deuxième cas est celui de livres d’importance secondaire, comme l’épitre de saint Jacques. Peut-on vraiment dire, comme le font certaines introductions bibliques, que cette épitre n’a été reçue comme canonique en Occident qu’à la fin du IVe siècle et après de « longs débats » ? En réalité, il y a eu seulement un long oubli. Le Pasteur d’Hermas, un écrit fameux, d’origine romaine, datant d’à peu près 150 après J.‑C., s’inspire certainement de l’épitre de saint Jacques. À cette époque, donc, l’Église de Rome connaît et apprécie l’épitre de saint Jacques. Après, il y a un long silence, tout simplement parce que cette petite épitre, très judéo-chrétienne, n’attire pas spécialement l’attention en Occident. Mais, au IVe siècle, des pères comme saint Athanase, saint Hilaire, saint Jérôme, la font redécouvrir aux Églises latines. Au total, la canonicité de l’épitre de saint Jacques n’a jamais soulevé de vrai débat. Il a fallu attendre le XVIe siècle pour qu’un certain Luther commence à la remettre en question.
  1. Le dernier cas est celui d’un livre dont la canonicité a vraiment été attaquée, à savoir l’Apocalypse de saint Jean. Son histoire est très instructive. Après une diffusion lente mais sans vraies difficultés, un prêtre romain nommé Caïus l’attaque au début du IIIe siècle. Il affirme qu’elle n’est pas de Jean l’apôtre, mais d’un gnostique, Cérinthe. Le problème venait d’une lecture trop littérale du difficile passage sur le règne millénaire du Christ et des saints sur la terre, au chapitre 20. En Orient, un écrivain influent, Eusèbe, évêque de Césarée, emboite le pas et rejette l’Apocalypse hors du canon. Les Églises de Palestine et de Syrie le suivent. Mais, en Occident, l’Apocalypse garde sa faveur. En Cappadoce, des Pères éminents comme saint Basile et saint Grégoire de Nazianze la reçoivent comme canonique et la commentent. L’Apocalypse finira par être acceptée partout. C’est chose faite aux VIe – VIIe siècles.

Le cas de l’Apocalypse montre de façon exemplaire que, pour discerner les livres inspirés et canoniques des livres non inspirés, les Églises ne se sont jamais appuyées d’abord sur des critères internes, tirés du texte lui-même. Ce qui a été déterminant, c’est la force des traditions qui rattachaient tel livre aux apôtres. Le nom de Jean a protégé le livre de l’Apocalypse et a empêché son rejet universel hors du canon.

Le canon de la Bible catholique mérite d’être appelé le canon apostolique. Car, pour l’Ancien Testament, nous avons le canon de la Septante, qui était sûrement celui des apôtres. Pour le Nouveau Testament, seuls les livres patronnés par les apôtres ont fini par être reçus universellement comme canoniques. Notons enfin que, dans le temps où s’est fixé le canon biblique, Rome n’a jamais eu à engager son autorité. Elle n’a fait que suivre l’usage général des autres Églises. Et quand, au XVIe siècle, le concile de Trente déclarera la liste des livres qu’il faut tenir pour canoniques, il consacrera simplement une coutume déjà plus que millénaire dans toute l’Église.

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Cet article a été écrit à partir dune vidéo des frères de Saint Vincent Ferrier : découvrez plus de contenu sur leur chaîne YouTube !

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