Saint Jérôme de Stridon, exégète et patron des traducteurs

Chapeau rouge de cardinal, face amaigrie de vieillard usé par les jeûnes, un lion à ses pieds, le livre des Saintes Ecritures dans les mains, le canon iconographique de saint Jérôme est des plus constants. Difficile de démêler la part d’amplification légendaire et la part de vérité historique.

Publié le
18/2/24
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Saint Jérôme « a placé la Bible au centre de sa vie, disait Benoît XVI ; il l’a traduite en langue latine, il l’a commentée dans ses œuvres, et il s’est surtout engagé à vivre concrètement en conformité avec elle au cours de sa longue existence terrestre, malgré le célèbre caractère difficile et fougueux qu’il avait reçu de la nature » (Audience générale du 7 novembre 2007). Ce Père de l’Église (ainsi sont désignés les saints qui, par leur doctrine et leur exemple, ont comme nourri l’Église dans son enfance) se définit lui-même en ces termes : « Je suis à la fois philosophe, rhéteur, grammairien, dialecticien, expert en hébreu, grec et latin. » Voilà les armes du polémiste dont la fougue va jusqu’à invectiver l’évêque d’Hippone, saint Augustin – son benjamin de dix ans –, comme s’il s’adressait à un étudiant : « Écoute mon conseil, jeune homme. Ne viens pas, dans l’arène des Écritures, provoquer un vieillard ! Tu troubles mon silence. Tu fais la roue avec ta science. »

Saint Jérôme est né vers 345, à Stridon, bourgade fortifiée située aux confins des provinces de Dalmatie et de Pannonie (actuelle Hongrie). Son père, Eusèbe, est un riche propriétaire foncier. Jérôme mentionne avec fierté : « Je suis né chrétien de parents chrétiens, et portant sur mon front l’étendard de la Croix. » On lui donne pourtant un nom païen, Hieronymus (qui signifie : celui dont le nom est sacré), en français : Jérôme. Conformément à une pratique courante à l’époque, l’enfant n’est pas baptisé, mais simplement inscrit sur le registre des catéchumènes. De son enfance, Jérôme dira : « Je me rappelle avoir gambadé à travers les chambrettes des petits esclaves, avoir passé à jouer mon jour de congé et m’être fait arracher aux bras de ma grand-mère pour être livré captif à la fureur d’un Olibrius. » Cet Olibrius est, en effet, un maître d’école aux méthodes d’éducation brutales, et l’enfant « a pleuré sous le claquement de la férule ». Élève turbulent, espiègle, à l’intelligence très vive, à la mémoire fidèle, Jérôme possède un caractère extrêmement sensible, qui le rendra susceptible, ombrageux, mais aussi profondément affectueux et ouvert aux rencontres.

« Un chœur de bienheureux »

Ses parents l’envoient à Rome pour y parachever sa formation. Là, sous la conduite des meilleurs professeurs, il s’initie aux secrets de la rhétorique (art de bien parler) et de la dialectique (art de la discussion). Il se constitue une bibliothèque en recopiant de sa main, « avec beaucoup de soin et de peine », quelques œuvres de ses auteurs préférés : Plaute, Virgile, Cicéron. Toutefois, il est aussi avide de distractions : sa nature ardente le porte à s’extérioriser, et, s’il ne se jette pas dans le plaisir avec l’ardeur d’un Augustin, il sacrifie cependant quelque peu à ses passions naissantes. Il évoquera plus tard son égarement d’alors, « au milieu des danses des jeunes filles romaines ». Malgré cela, son esprit religieux le porte, le dimanche, à visiter les catacombes, avec des amis. Finalement, touché par la grâce, il se décide en 366 à recevoir le Baptême. Puis il se rend à Trèves, où l’empereur Valentinien s’est installé. Pour répondre aux vœux de sa famille, Jérôme cherche, en effet, un poste dans l’administration. Mais là, il découvre la vie monastique qui lui inspire de graves pensées. Profondément touché, il décide de renoncer au monde, et commence à s’intéresser à la littérature chrétienne. Animé de ces dispositions nouvelles, il retourne en Italie, à Aquilée, où il s’insère dans un groupe de fervents chrétiens, qu’il définit comme un « chœur de bienheureux » réuni autour de l’évêque Valérien. En 374, il décide soudain de partir en Orient, dans le dessein de s’y consacrer à la vie monastique.

Après un long et pénible voyage, épuisé par la fièvre, Jérôme arrive à Antioche de Syrie chez un ami rencontré à Aquilée, le prêtre Évagre. Il y mène avec joie une vie paisible et studieuse ; ce n’est pourtant pas à proprement parler une vie monastique. Lors du carême de 375, atteint par la maladie, il s’entend reprocher, au cours d’un songe, son attachement excessif aux lettres profanes : « En esprit, je m’imaginais transporté devant le tribunal du souverain Juge. Interrogé sur ma religion : “Je suis chrétien, répondis-je. – Tu mens, me réplique le Juge suprême : Tu es cicéronien, pas chrétien. Où est ton trésor, là est ton cœur !” » Intensément tourmenté par sa conscience, Jérôme renonce aux livres profanes. Retiré dans le désert de Chalcis, au sud d’Alep (Syrie), il pratique une rude ascèse, se consacrant sérieusement à l’étude du grec et de l’hébreu. La méditation, la solitude, le contact avec la Parole de Dieu ouvrent son goût à la lecture de la Bible. Cependant, sa santé fragile souffre des privations qu’il s’impose : « Les jeûnes avaient fait pâlir mon visage, mais les désirs enflammaient pourtant mon esprit dans mon corps glacé, et devant le pauvre homme que j’étais, chair à moitié morte, seuls bouillonnaient les incendies des voluptés. »

Une direction éclairée

L’Église d’Antioche est alors déchirée par un schisme. Jérôme, pressé de prendre position, en appelle au Pape, mais la réponse se fait attendre. Les moines ariens, eux, n’attendent pas : ils l’importunent par leurs querelles au point de lui rendre le désert odieux. Désabusé, Jérôme rentre en 377 à Antioche, où l’évêque Paulin l’ordonne prêtre. En 379, il se rend à Constantinople, où il continue ses études bibliques sous la direction éclairée de Grégoire de Nazianze, théologien et exégète. Une amitié sincère s’établit entre eux deux. À cette époque, il découvre Origène, et commence à développer une exégèse (c’est-à-dire une étude du texte sacré) à partir des textes originaux en hébreu et en grec. En 382, l’évêque Paulin et Épiphane de Salamine l’invitent à les accompagner jusqu’à Rome, où ils veulent informer le Pape Damase des événements qui agitent l’Orient. Jérôme accepte de grand cœur. Le saint Pape, qui connaît sa réputation d’ascète et sa compétence d’érudit, se l’adjoint comme secrétaire et le consulte sur le sens de passages obscurs des Écritures. Il l’engage à entreprendre une nouvelle traduction latine des textes bibliques.

« Sa grande culture littéraire et sa vaste érudition permirent à Jérôme la révision et la traduction de nombreux textes bibliques : un travail précieux pour l’Église latine et pour la culture occidentale. Sur la base des textes originaux en hébreu et en grec, et grâce à la confrontation avec les versions précédentes, il effectua la révision des quatre Évangiles en langue latine, puis du Psautier et d’une grande partie de l’Ancien Testament… Jérôme put offrir une meilleure traduction : elle constitue ce qu’on appelle la “Vulgate”, le texte officiel de l’Église latine, qui a été reconnu comme tel par le Concile de Trente » et qui, après la récente révision (1979), le demeure encore aujourd’hui (Benoît XVI, 7 novembre 2007).

Une veuve romaine, Marcella, en quête d’un directeur spirituel et d’un maître qui puisse lui expliquer les Écritures, s’adresse à Jérôme. Un cercle d’études formé de riches veuves s’organise bientôt dans le palais de Marcella. On y trouve Marcellina, la sœur d’Ambroise de Milan, Paula et ses filles Blésilla, Eustochium et Paulina, et bien d’autres encore. Certaines d’entre elles seront honorées comme saintes. Jérôme dispense à ses élèves empressées la fine fleur de ses recherches et le bienfait de sa direction spirituelle. Une lettre à Eustochium est devenue célèbre : « L’épouse du Christ ressemble à l’arche d’Alliance, qui était dorée extérieurement et intérieurement. Elle est la gardienne de la Loi du Seigneur. Dans l’Arche, il n’y avait rien d’autre que les Tables de la Loi. Il ne doit y avoir non plus en vous aucune pensée étrangère… Personne ne doit vous retenir : ni mère, ni sœur, ni parente, ni parent. Le Seigneur a besoin de vous. S’ils veulent vous arrêter, qu’ils craignent ces fléaux dont nous parle la Sainte Écriture, et que Pharaon eut à subir pour avoir refusé au peuple de Dieu la liberté de l’adorer. » Véritable plaidoyer pour la vie monastique et la virginité, cette lettre connaît une diffusion importante ; mais elle choque la haute société romaine. Certains clercs se sentent visés par ce manifeste pour une vie évangélique ; ils ne pardonnent pas à son auteur de les avoir trop vivement pris à partie en mettant ostensiblement le doigt sur leurs défauts. Jaloux de son influence, ils le traitent de faussaire et de sacrilège pour avoir osé introduire des modifications dans les textes bibliques reçus jusque-là. Finalement, leur colère explose en grossières calomnies contre lui et ses saintes amies : que vient faire ce moine au milieu de ces dames ? « Si les hommes m’interrogeaient sur l’Écriture, répond finement Jérôme, je parlerais moins aux femmes ! »

Voyage enthousiasmant

Après la mort du Pape Damase, le 11 décembre 384, Jérôme décide de mettre à exécution son rêve de toujours et s’embarque pour le Moyen-Orient en août 385, avec son frère Paulinien et quelques moines décidés à s’installer avec lui en Terre Sainte. Quelques temps après, Paula et sa fille Eustochium les rejoignent à Antioche. Une caravane est mise sur pied qui doit, en plein hiver, les acheminer vers la Judée. Jérôme décrira dans une lettre l’enthousiasme de Paula pour la visite des lieux saints. Les pèlerins continuent ensuite vers l’Égypte et se rendent à Alexandrie, où se trouve une grande école biblique héritière de l’enseignement d’Origène et d’Athanase le Grand. Didyme l’Aveugle la dirige ; Jérôme se range parmi ses disciples. Les pèlerins profitent de leur séjour pour rendre visite aux moines d’Égypte, les fameux “Pères du désert”.

En 386, le petit groupe revient s’installer à Bethléem, où, grâce à la générosité de Paula, sont bientôt construits un monastère pour les moines, un autre pour les moniales, une tour fortifiée et un hospice pour les pèlerins qui se rendent en Terre Sainte, « car ils se souvenaient que Marie et Joseph n’y avaient pas trouvé où faire halte. » À la faveur de la tranquillité dont il jouit maintenant, Jérôme reprend avec allégresse ses travaux : traductions et commentaires bibliques, histoire, polémique, hagiographie… Paula dirige le monastère des femmes et Jérôme celui des hommes, mais lui-même donne à tous une direction spirituelle appropriée, à partir de la Sainte Écriture. La Bible, qu’il assimile au Christ, tient une place primordiale dans la vie communautaire : « Aime les Saintes Écritures, dit-il, et la Sagesse t’aimera ; il faut que ta langue ne connaisse que le Christ, qu’elle ne puisse dire que ce qui est saint. »

Benoît XVI a mis en relief l’amour du saint docteur pour la Parole de Dieu : « Pour saint Jérôme, “ignorer les Écritures, c’est ignorer le Christ”. C’est pourquoi, il est très important que chaque chrétien vive en contact et en dialogue personnel avec la Parole de Dieu qui nous a été donnée dans l’Écriture Sainte. Notre dialogue avec elle doit être réellement personnel, car Dieu parle avec chacun de nous à travers l’Écriture Sainte et livre un message pour chacun. Nous devons lire l’Écriture Sainte non pas comme une parole du passé, mais comme une Parole de Dieu qui s’adresse également à nous, et nous efforcer de comprendre ce que le Seigneur veut nous dire… La Parole de Dieu transcende les temps. Les opinions humaines vont et viennent ; ce qui est très moderne aujourd’hui sera très vieux demain. La Parole de Dieu, au contraire, est une Parole de vie éternelle, elle porte en elle l’éternité, ce qui vaut pour toujours. En portant en nous la Parole de Dieu, nous portons donc en nous l’éternel, la vie éternelle » (7 novembre 2007).

« Aime-la tendrement »

Saint Jérôme « recommandait à l’une de ses filles spirituelles : “Aime l’Écriture Sainte… aime-la tendrement, et celle-ci te préservera.” Et encore : “Aime la science de l’Écriture, et tu n’aimeras pas les vices de la chair.” Pour lui, un point fondamental de méthode pour interpréter correctement les Écritures est l’harmonie avec l’enseignement de l’Église. Nous ne pouvons jamais lire l’Écriture seuls. Nous trouvons trop de portes fermées et nous glissons facilement dans l’erreur… Pour lui, une interprétation authentique de la Bible devait toujours être en concordance avec la foi de l’Église catholique… Il admonestait donc : “Reste fermement attaché à la doctrine traditionnelle qui t’a été enseignée, afin que tu puisses exhorter selon la saine doctrine et réfuter ceux qui la contredisent.” En particulier, étant donné que Jésus-Christ a fondé son Église sur Pierre, chaque chrétien doit être en communion “avec la Chaire de saint Pierre. Je sais que sur cette pierre l’Église est édifiée”. Par conséquent, et de façon directe, il déclarait : “Je suis avec quiconque est uni à la Chaire de saint Pierre” » (Audience générale du 14 novembre 2007).

Mais bientôt les querelles origénistes (occasionnées par les erreurs des disciples d’Origène niant le caractère définitif du jugement de Dieu), puis la lutte contre le pélagianisme (qui prétendait que l’initiative du salut vient de l’homme, et qui niait le péché originel), amènent Jérôme à défendre la foi avec vigueur : en certaines occasions, sa plume devient comme un stylet acéré. D’autre part les invasions barbares, en faisant affluer en Terre Sainte des foules de réfugiés, l’obligent à mettre au second plan ses chères études et à satisfaire aux devoirs de la charité. Il n’en persévère pas moins dans l’œuvre sainte à laquelle il s’est voué. Sa cellule devient une sorte de phare pour le monde chrétien tout entier : vers lui se tournent les âmes avides de perfection. Il en résulte une correspondance aussi abondante que variée avec les meilleurs esprits de son temps. À l’un d’eux, qui demande conseil, Jérôme montre quelle importance il donne à la vie en communauté : « Je préférerais que tu sois dans une sainte communauté, que tu ne t’enseignes pas toi-même et que tu ne t’engages pas sans maître dans une voie entièrement nouvelle pour toi. » Il recommande la modération dans les jeûnes corporels : « Une nourriture modique, mais raisonnable, est salutaire au corps et à l’âme. » Il rappelle qu’un courageux engagement vers la perfection demande une vigilance constante, de fréquentes mortifications, avec discrétion toutefois, un travail intellectuel ou manuel assidu pour éviter l’oisiveté, et surtout l’obéissance à Dieu : « Rien ne plaît autant à Dieu que l’obéissance, qui est la plus excellente et l’unique vertu » (Homélie sur l’obéissance : CCL 78, 552).

« Orne ce sanctuaire ! »

«L’Évangile, disait Benoît XVI, doit se traduire par des attitudes de charité véritable… En s’adressant, par exemple, au prêtre Paulin (qui devint ensuite le saint évêque de Nole), Jérôme le conseillait ainsi : “Le véritable temple du Christ est l’âme du fidèle : orne-le, ce sanctuaire, embellis-le, dépose en lui tes offrandes et reçois le Christ. Dans quel but revêtir les murs de pierres précieuses, si le Christ meurt de faim dans la personne d’un pauvre ?” Jérôme est concret : il faut “vêtir le Christ chez les pauvres, lui rendre visite chez les personnes qui souffrent, le nourrir chez les affamés, le loger chez les sans-abri.” L’amour pour le Christ, nourri par l’étude et la méditation, nous fait surmonter chaque difficulté : “Aimons, nous aussi, Jésus-Christ, recherchons toujours l’union avec lui : alors, même ce qui est difficile nous semblera facile” » (14 novembre 2007).

Le Pape émérite soulignait aussi la contribution de saint Jérôme « dans le domaine de la pédagogie chrétienne. Il se propose de former “une âme qui doit devenir le temple du Seigneur”, une “pierre très précieuse” aux yeux de Dieu. Avec une profonde intuition, il conseille de la préserver du mal et des occasions de pécher, d’exclure les amitiés équivoques ou débauchées. Il exhorte surtout les parents pour qu’ils créent un environnement serein et joyeux autour des enfants, les incitent à l’étude et au travail, également par la louange et l’émulation, les encouragent à surmonter les difficultés, favorisent entre eux les bonnes habitudes et les préservent d’en prendre de mauvaises… Les parents sont les principaux éducateurs des enfants, les premiers maîtres de vie. Avec une grande clarté, Jérôme, s’adressant à la mère d’une jeune fille, admoneste : “Qu’elle trouve en toi sa maîtresse, et que sa jeunesse inexpérimentée regarde vers toi avec émerveillement. Que ni en toi, ni en son père, elle ne voie jamais d’attitudes qui la conduisent au péché, si elles devaient être imitées. Rappelez-vous que vous pouvez davantage l’éduquer par l’exemple que par la parole.”… En outre, un aspect assez négligé à l’époque antique, mais considéré comme vital par notre auteur, est la promotion de la femme, à laquelle il reconnaît le droit à une formation complète : humaine, scolaire, religieuse, professionnelle. Et nous voyons précisément aujourd’hui que l’éducation de la personnalité dans son intégralité, l’éducation à la responsabilité devant Dieu et devant l’homme, est la véritable condition de tout progrès, de toute paix, de toute réconciliation et d’exclusion de la violence. L’éducation devant Dieu et devant l’homme : c’est l’Écriture Sainte qui nous en indique la direction et ainsi celle du véritable humanisme » (Ibid.).

Mendier son pain plutôt que perdre la foi

Dans les dernières années de sa vie, Jérôme est assailli par une accumulation d’épreuves. En 404, sainte Paula, l’amie fidèle, meurt. En 410, le Wisigoth Alaric Ier envahit l’Italie et met Rome à sac. Dans cette tragédie, Jérôme perçoit l’écroulement d’un monde et il en gémit : « L’Empire vient d’avoir la tête tranchée. Pour dire l’entière vérité : en une seule ville, c’est l’univers entier qui périt. » Le couvent de sainte Marcella est pillé ; elle-même est torturée et meurt peu après. En 416, des moines favorables à Pélage organisent en Judée une expédition punitive contre les monastères hiéronymiens. Un diacre est tué, les bâtiments sont incendiés. On se réfugie dans la tour fortifiée ; Jérôme échappe de justesse à la mort. Non sans fierté, il écrit : « Notre maison, pour ce qui est des ressources matérielles, fut complètement ruinée par les persécutions des hérétiques. Toutefois, le Christ est avec nous. La demeure reste donc remplie de richesses spirituelles. Mieux vaut mendier son pain que de perdre la foi. » En 418, la mort imprévue d’Eustochium, qui avait succédé à sa mère Paula à la tête du monastère féminin, l’accable. Elle était son soutien dans ses travaux. Cette mort, écrit-il, « a presque changé les conditions de notre existence, parce que bien des choses que nous voudrions faire, nous en sommes maintenant incapable : l’esprit est ardent, mais il est vaincu par la débilité de la vieillesse. »

Sa dernière lettre sera pour Augustin et pour son ami Alypius : « Pour moi, écrit-il, je suis ravi de trouver quelque occasion de vous écrire, et je n’en laisse échapper aucune. Dieu m’est témoin que, si je pouvais, je prendrais des ailes de colombe pour satisfaire à l’empressement que j’ai de vous embrasser. C’est ce que j’ai toujours ardemment souhaité, tant je fais de cas de votre vertu ; mais je le souhaite aujourd’hui avec plus de force que jamais, pour me réjouir avec vous de la victoire que vous avez remportée sur l’hérésie de Célestius (disciple de l’hérétique Pélage), que vous avez entièrement étouffée par votre zèle et par vos soins… Je vous conjure aussi, mes saints et vénérables pères, de ne me pas oublier, et je prie le Seigneur de vous conserver en santé » (Lettre 143). Perclus d’infirmités, presque aveugle, le serviteur fidèle s’endort paisiblement en Dieu le 30 septembre 420. Il est enterré près de la grotte de la Nativité à Bethléem. Ses restes, ramenés à Rome au VIIIe siècle, reposent dans la basilique Sainte-Marie-Majeure, près des reliques de la Crèche du Seigneur que Jérôme avait précieusement rassemblées.

Nous remercions l’Abbaye Saint Joseph de Clairval qui nous a donné la permission de publier leurs lettres spirituelles. Découvrez-les !

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Crédit : @Sedmak

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