Que se passe-t-il à la mort... et juste après ?

Que se passe-t-il à l’instant de la mort et… juste après ? Qu’est-ce que la vie éternelle ? Sur quoi sommes nous jugés après la mort ? Le 1er novembre, la fête de tous les saints, offre l’occasion de réfléchir aux questions existentielles de tout homme sur la vie après la mort. Nathanaël Pujos, prêtre de la communauté des Béatitudes, curé de la paroisse ND du Sacré-Cœur à Maison Alfort et enseignant aux Collège des Bernardins, nous éclaire sur le message de l'Eglise.

Publié le
30/10/23
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Pourquoi l’Eglise fête-t-elle les saints le 1er  novembre ?

La fête de la Toussaint nous donne de contempler la foule immense des rachetés et l’avenir vers lequel nous sommes en marche. Elle nous montre tous les saints, l’Eglise du ciel, qui intercèdent pour nous, qui sommes l’Eglise terrestre. C’est donc le mystère de la communion des saints que nous célébrons ce jour-là.

Cette fête rappelle aux chrétiens que la vie éternelle a déjà commencé et que la mort n’est pas à venir mais qu’elle est déjà en quelque sorte « derrière eux ». Elle est acquise depuis la passion et la résurrection du Christ à laquelle les chrétiens sont associés définitivement par leur baptême.

Bien sûr, notre mort physique est encore à venir mais elle n’est qu’un passage vers un « plus de vie », la vie en plénitude, en abondance, bien plus réelle que notre vie présente.

C'est pourquoi les premiers chrétiens s’appelaient « les vivants » [en grec : hoï zontes] ! Bien sûr, notre mort physique est encore à venir mais elle n’est qu’un passage vers un « plus de vie », la vie en plénitude, en abondance, bien plus réelle que notre vie présente.

Qu'advient-il alors au moment de la mort physique ?

La définition de la mort physique, c'est la séparation de notre âme et de notre corps. L' âme (le principe spirituel en nous) « sort » du corps. Il redevient alors matière inanimée, matière inerte, et va vers la corruption, puisque sa matière (eau, carbone, etc…) n'est plus organisée par l’âme qui, elle, connaît un destin séparé. En effet, l’âme est créée immortelle.

L’âme séparée du corps reste pleinement consciente, plus éveillée que jamais (...) elle voit Dieu face à face.

La Commission théologique internationale (qui dépend de la Congrégation pour la doctrine de la foi) précise alors le destin de l’âme séparée : « En acceptant fidèlement les paroles du Seigneur rapportées en Mt 10,28, l’Église affirme la continuité et la survie, après la mort, d’un élément spirituel doté de conscience et de volonté, de sorte que subsiste le même « moi » humain, manquant cependant de ce complément qu’ est son corps » (Questions actuelles sur l’eschatologie, 1992). L’âme séparée du corps reste pleinement consciente, plus éveillée que jamais !

La mort physique est une rencontre de l’homme, « doué d’une âme immortelle », avec « son Créateur et Seigneur » (Catéchisme des évêques de France, 658).

La mort physique c’est ainsi d’abord une rencontre de l’homme, « doué d’une âme immortelle », avec « son Créateur et Seigneur » (Catéchisme des évêques de France, 658). Déjà en 1336, Benoît XII (dans Benedictus Deus) insistait sur le fait que l’âme du saint ne tombait pas dans un sommeil jusqu’à la résurrection du corps à la fin des temps, mais voit Dieu face à face. C’est du reste la promesse du Christ au bon larron : « Aujourd’hui, tu seras avec moi au Paradis » (Lc 23, 43).

Pourquoi l’Eglise prie-t-elle pour les défunts le jour suivant la Toussaint ?

Il convient ici de dire un mot du purgatoire. Cet état intermédiaire qui ouvre sur le Ciel est appelé « Illuminatoire » dans la spiritualité orthodoxe. Le terme montre bien qu’il s’agit pour les âmes dans cet état d’accueillir pleinement l’amour de Dieu, un peu comme nos yeux peuvent avoir besoin de s’habituer à la lumière du soleil, après un temps dans l’obscurité. Ce temps d’éblouissement est à la fois douloureux mais bienheureux, car on y voit de plus en plus clair, réchauffé et illuminé par la lumière de Dieu. Le 2 novembre, nous prions pour les âmes des défunts dont nous pensons qu’elles vivent encore dans cet état intermédiaire qui les conduit au Ciel. Nous leur montrons ainsi notre amour, comme nous le ferions pour toute personne aimée qui traverse une épreuve.

Ce temps d’éblouissement est à la fois douloureux mais bienheureux, car on y voit de plus en plus clair, réchauffé et illuminé par la lumière de Dieu.

Au moment du « jugement particulier »  que se passe-t-il ? Par qui, quand et comment sommes-nous jugés ?

Durant le jugement particulier (au moment de la mort), la conscience, dégagée de toutes ses ignorances et éclairée de l’illumination divine propre à la mort, reconnaît son état personnel en pleine vérité.

Mettant un terme à ce qu’aura été notre vie (...) avec ses mérites et démérites, notre mort nous récapitule alors tout entier et dégage ce qu’aura été notre vie, pesée sur l’amour que nous avons montré à Dieu et à notre prochain.

Mais il ne faut pas voir ce jugement particulier au moment de la mort comme la lecture d'un grand livre qui répertorierait toutes nos actions, bonnes et mauvaises, mais plutôt comme une rencontre avec le Christ.

« Nous serons jugés en fonction de notre conformité ou non à l’Enfant qui doit naître dans la grotte de Bethléem, puisque c’est lui l’unité de mesure que Dieu a donné à l’humanité » (Benoit XVI, Angélus du 9 déc. 2007).

C’est cette rencontre qui nous mesure, qui nous évalue. Le Christ est notre référence. J’aime beaucoup cette explication du pape Benoit XVI : « Nous serons jugés en fonction de notre conformité ou non à l’Enfant qui doit naître dans la grotte de Bethléem, puisque c’est lui l’unité de mesure que Dieu a donné à l’humanité » (Angélus du 9 déc. 2007).

Il est, dit saint Paul, le parfait Adam, l'homme parfait, ou comme le dit le Concile Vatican II, le Christ est celui qui manifeste pleinement l'homme à lui-même et lui montre la sublimité de sa vocation (Gaudium et Spes §.22.1). Comme la rencontre d’une personne très édifiante nous renvoie à nous-mêmes sans que cette personne ne nous juge, la rencontre avec le Christ, parfait Adam, nous évaluera avec miséricorde et vérité. Cette rencontre avec le Christ « est l’acte décisif du Jugement », dit Benoit XVI (Encyclique Spe Salvi(2007), §.47).

Soyons plein d'espérance pour ce jour final : nous serons en présence du Christ, à ses côtés, puisqu’il sera notre défenseur.

Soyons plein d'espérance pour ce jour final : nous serons en présence du Christ, à ses côtés, puisqu’il sera notre défenseur. C'est un tribunal où la personne qui se tient en notre présence est celle qui nous aime le plus au monde, plus qu’une mère ou qu’un père, le Christ qui a donné sa vie pour nous, qui a accepté de s'incarner, qui fut arrêté, battu, fouetté, insulté, torturé, cloué sur le bois et finalement tué par amour pour nous. 

Comment goûter au Ciel déjà sur terre ?

Charité et espérance : voilà deux des voies par lesquelles le chrétien est invité à jouir du bonheur de la vie éternelle dès sa vie terrestre. Chaque fois que nous ne vivons pas pour nous-mêmes mais pour l’autre, en nous donnant à lui avec confiance et amour, nous anticipons déjà la réalité du ciel. Là ne demeurera que l’amour, le don total de nous-mêmes à Dieu le Père, dans le Christ, rendu possible par l’Esprit saint en nos cœurs. Ce don sera vécu en communion d’amour avec tous les saints. Dès ici-bas, nous avons un avant-goût de ce bonheur éternel à chaque fois que nous aimons en esprit et en vérité, que ce soit dans l’amour conjugal, familial, amical ou mystique.

Anticiper déjà sur cette terre la réalité du Ciel, par une vie de charité et d’oubli de soi.

L'hymne à l'amour de l'Épître aux Corinthiens de saint Paul souligne l'importance toute particulière de la charité : "la charité ne disparaîtra jamais. [...] Maintenant donc demeurent foi, espérance, charité, ces trois choses, mais la plus grande d'entre elles, c'est la charité" (1Co 13,8-13).

Mais la deuxième vertu théologale, l'espérance, nous fait également goûter quelque chose du Ciel en ce qu'elle habitue notre regard au Royaume des Cieux. Là où l'homme de l'espoir va « compter les jours », avant l'obtention du bien attendu, l'homme de l'espérance, au contraire, « fait compter chaque jour ».

L'espérance, nous fait goûter quelque chose du Ciel en ce qu'elle habitue notre regard au Royaume des Cieux. 

Il fait compter l’aujourd’hui de Dieu et ainsi il est pleinement à la présence de Dieu aujourd'hui. L' espérance s'émerveille, elle est tournée vers le Ciel dès le présent, car "elle confesse que la victoire nous a déjà été obtenue" (Cardinal Robert Sarah, La force du silence). 

Retrouvez en ligne l’enseignement du Père Pujos : « La Vie après la mort », avec le Cahier des Bernardins associé : « Anticiper le Ciel, une synthèse d’eschatologie catholique » (Parole et Silence 2023).

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