Ce que nous disent les saints patrons de l'Europe
Les élections européennes sont l'occasion de réfléchir à la construction et aux fondement de l'identité européenne. Quelle est la contribution du christianisme au fil des siècles ? Retour sur six co-patrons de l’Europe, qui, en répondant aux préoccupations de leur temps, ont contribué à bâtir l'Europe que nous connaissons.
Par leurs actes et leurs vies, Saint Benoît, Saint Cyrille et Saint Méthode, Sainte Brigitte de Suède, Sainte Catherine de Sienne et Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix ont chacun répondu à une préoccupation de leur temps, que cela soit dans la vie politique, sociale ou religieuse. C’est pour leurs vertus et pour l’empreinte qu’ils ont laissé sur la civilisation européenne et l’héritage chrétien, du haut Moyen Âge jusqu’aux brûlures du XXe siècle, que les papes Paul VI et Jean-Paul II les ont proclamés saints patrons.
Jean-Baptiste Arnaud, Directeur du premier cycle de la Faculté Notre-Dame et co-directeur du Département de recherche Politique et Religions du Collège des Bernardins, Sophie Bingelli, professeure à l'École Cathédrale et co-responsable du Groupe de recherche steinien et Daniel Odon-Hurel, historien, chercheur au CNRS et spécialiste du monachisme bénédictin, expliquent comment ces six saint patrons dessinent les contours de l'identité européenne et en quoi ils peuvent nous inspirer dans la construction de notre destinée commune !
Les monastères, lieux d’échange européens, avec Saint Benoît
Les monastères médiévaux, notamment à travers le rayonnement des abbayes de Cluny et de Cîteaux, constituèrent des lieux de réflexion et d’échange intellectuels de dimension européenne. La pratique du voyage d’études à travers le continent entre ces établissements est plus ancienne qu’on ne le pense. Il est possible de dire qu’en réalité, ces échanges ont commencé à exister dès le haut Moyen Âge et qu’ils se sont toujours maintenus.
« Saint Benoît représentait la diffusion de la règle, au-delà, à travers et par-dessus les frontières des royaumes et des Etats-Nations. » Daniel Odon-Hurel
Les saints qui font aujourd’hui figure de patrons de l’Europe exercent une action décisive dans la formation de l’Europe. Ainsi, Saint Benoît, par le rôle que sa règle joua dans la structuration du monachisme occidental, anticipa l’action organisatrice de Saint Bernard et la constitution d’une internationale du savoir à travers l’ordre cistercien.
« Au XVIIe et au XVIII siècle, les moines des différentes congrégations européennes, se connaissent, se lisent […] c’est ce facteur d’unité qui a permis au monachisme bénédictin de toujours traverser les frontières en Europe. » Daniel Odon-Hurel
On voit là le premier exemple d’un saint jouant un rôle décisif dans la formation intellectuelle de l’Europe, d’une pensée qui lui est spécifique. On peut parler d’une première étape fondatrice de l’humanisme européen à travers les monastères, en continuité directe avec l’action de Saint Benoît.
« Benoît, les bénédictins et les cisterciens, c’est le progrès, la notion de civilisation dans tous les domaines et de continuité. » Daniel Odon-Hurel
Former l’identité européenne avec Saint Cyrille, Saint Méthode, Sainte Brigitte et Sainte Catherine de Sienne
L’impact qu’eurent les saints patrons de l’Europe sur le continent ne se limita pas au seul domaine religieux. On peut citer des exemples prouvant qu’ils exercèrent, plus largement, une véritable action civilisatrice, qui contribua à dessiner les contours de l’identité européenne.
Le cas le plus caractéristique est fourni par le monde slave chrétien, qui doit son alphabet lui-même aux saints que furent Cyrille et Méthode.
« Le message de l’Evangile a aussi permis le développement humain et social […] Un des disciples de Cyrille et Méthode aimait leur dire : « en nous donnant la Parole de Dieu, vous nous avez donné la parole, c’est-à-dire une langue […] En amenant l’Evangile, ils ont aidé une civilisation à s’épanouir et à être davantage elle-même. » (P. Jean-Baptiste Arnaud)
Les saints contribuèrent donc de façon décisive à la constitution de la chrétienté et jouèrent de façon plus globale un rôle majeur dans l’élaboration d’une première unité européenne, comme le démontrent également Brigitte de Suède et Catherine de Sienne, par leur capacité à allier une vie mystique profonde et l'engagement dans leur temps et dans leur société par le service des pauvres, et dans la politique.
Vivre l’Histoire européenne avec Edith Stein
Edith Stein représente un exemple caractéristique d’une sainte faisant corps avec l’histoire européenne. Elle réalisa tôt la nature de la crise qui frappait le continent pendant la Première Guerre mondiale, par l’expérience de la mort qu’elle fit lors de la première guerre mondiale en travaillant comme infirmière dans un hôpital.
Elle eut ensuite très tôt une vision parfaitement lucide de la nature du nazisme, allant même jusqu’à écrire une lettre à Pie XI en 1933, l’année de l’arrivée au pouvoir d’Hitler, pour dénoncer l’antisémitisme du nouveau régime et la barbarie de cet antihumanisme européen.
« Elle dénonça dans le nazisme une négation de l’homme, un blasphème à l’égard du Christ, en tant qu’« idolâtrie de la race » et une hérésie sur le plan religieux. La nocivité de cette idéologie est perçue à travers un filtre chrétien qui le dénonce comme un danger spirituel, une menace métaphysique qui, après les juifs, frappera aussi les chrétiens. » (Sophie Bingelli)
Elle assuma jusqu’au martyr la tourmente historique de l’Europe et par-là, elle se fit le témoin tragique du destin d’un continent.
Toutes ces vies de saints nous les montrent profondément solidaires de l’Europe, en tant qu'acteurs fondamentaux de son destin. Ils nous donnent l’idée d’une Europe du dialogue qui existait plus tôt que nous ne le pensons parfois et qui s’est toujours maintenue.
Saviez-vous que près de la moitié des ressources du Collège des Bernardins provient de vos dons ?
Les Bernardins sont une association à but non lucratif qui vit grâce à la générosité de chacun d'entre vous. Votre don soutient notre vocation : promouvoir un dialogue fécond au sein de notre société. Je donne