Que pense l'Église de l'euthanasie ?

L'euthanasie est une question de société fondamentale. Matthieu Villemot nous éclaire ici sur la position de l'Église.

Publié le
5/7/23
No items found.

La sacralité de la vie comme don de Dieu

Euthanasie est un mot grec qui signifie « bonne mort », et les philosophes grecs, en particulier les stoïciens et les épicuriens, se suicidaient quand la vie devenait trop lourde à porter. Mais c’est au vingtième siècle qu’est apparue la possibilité d’une mort médicalisée sans douleur. Avec elle est née la revendication d’euthanasie, c’est à-dire d’une mort demandée par le patient et donnée par un acte médical. La Bible, elle, déclare : « « j’ai placé devant toi la vie et la mort, choisis donc la vie » (Dt 30, 19.).

Depuis les origines - puisque Jésus a déclaré être la vie (Jn 14,6) - l’Église affirme que toute vie humaine est sacrée, de son commencement dans le sein de sa mère jusqu’à sa fin naturelle.

Créée par Dieu, elle trouve sa fin en Dieu. En outre Jésus s’est explicitement identifié au plus pauvre, au plus petit : « ce que vous faites au plus petit d’entre mes frères, c’est à moi que vous le faites » (Mt 25,40). Il s’est donc identifié à la personne en fin de vie, à sa douleur, à sa détresse même morale et spirituelle quand il s’écrie : « mon âme est triste à en mourir » (Mt 26, 38) ou « pourquoi m’as-tu abandonné » (Mt 27,46) ? L’ euthanasie, en déclarant que certaines vies ne valent plus la peine, s’oppose frontalement à cette doctrine. La vie se reçoit de Dieu et sa fin est décidée par Dieu.

Promulguer un droit à la mort : une boîte de Pandore

L’ euthanasie est la fine pointe de notre société de contrôle où l’homme espère mettre la main sur toutes les dimensions de sa vie, y compris sa mort.

Le Conseil consultatif national d’éthique a déclaré que l’euthanasie s’oppose à la fraternité inscrite dans notre devise. Si un homme de 90 ans demande à mourir, il envoie à toutes les personnes de plus de 90 ans le message qu’elles sont en trop.

L’euthanasie est la fine pointe de notre société de contrôle où l’homme espère mettre la main sur toutes les dimensions de sa vie, y compris sa mort.

En outre, la culture de mort qui se déploie sans cesse davantage dans notre société rejette de plus en plus clairement les faibles, les fragiles.

Cela déshumanise notre société. Dans les pays où l’euthanasie est légalisée, il est parfois demandé par des femmes violées, des grands malades mentaux, ou même des criminels convaincus de ne pouvoir vaincre leur pulsion. Nous avons ainsi réinventé la peine de mort.

Combattre la souffrance : une question culturelle

Mais l’Église a pour mission de compatir à toute souffrance et de l’accompagner. Il est logique qu’un homme qui souffre pense à mourir.

Jésus lui-même a souhaité que sa mort vienne vite quand il a déclaré à Judas : « ce que tu fais, fais-le vite » (Jn 13,27). Prier Dieu d’accorder la mort au plus vite est légitime. Trop souvent, l’Église catholique a vanté la souffrance comme un bien désirable.  Ainsi Pascal écrit ceci : « Ô Dieu, qui aimez tant les corps qui souffrent, que vous avez choisi pour vous le corps le plus accablé de souffrances qui ait jamais été au monde ! Ayez agréable mon corps, non pas pour lui-même, (...) car tout y est digne de votre colère, mais pour les maux qu’il endure, qui seuls peuvent être dignes de votre amour ». C’est aberrant, si Dieu n’aime que la souffrance, il faut en conclure que le paradis sera un lieu de tortures magistrales et l’enfer un délice !

Jésus a accepté la croix mais ne l’a pas aimée.

Aujourd’hui l’Église demande aux catholiques de prendre les moyens raisonnables pour lutter contre la souffrance. La vraie réponse à l’euthanasie ce sont les soins palliatifs, un accompagnement pluridisciplinaire du malade qui inclut les progrès de la pharmacologie, de la psychologie, les familles et (si le patient le souhaite) les aumôneries. En France, les soins palliatifs se sont développés, mais ils demeurent insuffisants et devraient devenir une culture qui englobe la société. L’enjeu actuel, dans cette matière, est avant tout de promouvoir une culture de vie.

No items found.
Saviez-vous que près de la moitié des ressources du Collège des Bernardins provient de vos dons ?

Les Bernardins sont une association à but non lucratif qui vit grâce à la générosité de chacun d'entre vous. Votre don soutient notre vocation : promouvoir un dialogue fécond au sein de notre société. Je donne