Marcel Van : Le Missionnaire caché du Vietnam

Publié le
10/7/23
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Joachim Nguyên Tan Van, connu sous le nom de Marcel Van, est une figure méconnue mais profondément inspirante de l'Église catholique vietnamienne. Dès son plus jeune âge, Van a montré une dévotion exceptionnelle, malgré les épreuves sévères et les injustices qu'il a endurées. Sa détermination à suivre le chemin de la sainteté, même en face de sévices corporels et d'accusations infondées, l'a conduit à une vie de mendicité avant de trouver refuge chez les Rédemptoristes. Transformé par une expérience mystique avec Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, Marcel Van a consacré sa vie à la prière et au sacrifice, touchant des milliers de vies jusqu'à son martyr en prison en 1959. Découvrez l'incroyable histoire de ce missionnaire caché dont la cause de béatification est en cours.

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Un auteur français écrivait du peuple vietnamien: «On n’en impose à ce peuple que par la sagesse, le savoir et la dignité morale; jamais par la force, en laquelle il voit une forme de barbarie». Une telle disposition a favorisé l’implantation de la religion catholique au Vietnam; depuis le XVIe siècle, elle y a poussé de profondes racines, notamment grâce aux nombreux missionnaires martyrs, comme saint Théophane Vénard († 1861). Au début du XXe siècle, le Vietnam est sous domination française, mais un nationalisme s’y développe. En 1930, Hô Chi Minh créera le Parti Communiste vietnamien, et, en septembre 1945, s’engagera, entre les Viet-Minh communistes et la France, une guerre qui aboutira aux accords de Genève (juillet 1954), à la suite desquels le pays sera coupé en deux, le Nord tombant sous régime communiste.

C’est dans ce contexte que, le 15 mars 1928, dans un village du Nord (Tonkin), vient au monde un garçon, Joachim Nguyên Tan Van, en abrégé: Van. Il naît dans une famille chrétienne qui compte déjà un garçon et une fille, et où tout respire la joie, reflète la beauté et l’amour. Le père est tailleur; la mère demeure au foyer et travaille parfois à la rizière. Van dira de sa mère: «Dieu l’avait douée d’un coeur ardent qui savait allier la prudence à la bonté… Tout en m’entourant d’affection, elle savait aussi me former à la sainteté». Le jeune garçon jouit d’un usage précoce de la raison et d’une excellente mémoire, mais aussi d’un caractère entêté, dominateur, inflexible et cependant hypersensible. Il n’accepte aucune séparation d’avec sa mère. La «bonne» essaie un jour de l’emmener jouer au loin. Quelques minutes après, elle doit le ramener: «Elle portait sur tout le visage la trace de mes ongles», précise Van.

Début de la vie de Marcel Van

Van aime beaucoup le jeu. Il organise aussi des «processions» à la Sainte Vierge**. Il a presque quatre ans, lorsqu’une petite soeur vient au monde.** Dans l’excès de son affection pour elle, il l’accapare tellement qu’il devient nécessaire de l’exiler chez sa tante. La séparation est très dure, mais après quelques jours, il apprécie la compagnie de ses cousins et cousines. À l’âge de six ans, il retourne chez ses parents, et se prépare à la première communion. De ce jour béni, il écrira plus tard: «L’heure a sonné, la minute tant désirée est arrivée… Je tire doucement la langue pour recevoir le Pain de l’Amour. Mon coeur est envahi par une joie extraordinaire… En un instant, je suis devenu comme une «goutte d’eau» perdue dans l’immense océan. Maintenant, il ne reste plus que Jésus; et moi, je suis le petit rien de Jésus». À dater de ce jour, Van reçoit tous les jours la Très Sainte Eucharistie. Peu après, il reçoit le sacrement de Confirmation. Dans son coeur, une perspective d’avenir se précise: «Je désirais vivement devenir prêtre pour aller porter la Bonne Nouvelle aux non-chrétiens».

À l’école, le Maître se montre excessivement sévère avec les élèves, leur administrant des coups de rotin à tout propos. Van y laisse la santé: «Je devenais de jour en jour plus maigre et plus pâle, écrira-t-il… C’est uniquement à cause du système d’éducation trop dur, que je suis tombé dans un tel état d’épuisement». La mère de Van le confie à l’abbé Joseph Nha, curé de la paroisse de Huu-Bang. Ce prêtre dirige une «Maison de Dieu», institution où de jeunes garçons s’initient plus profondément à la religion, tout en continuant leurs études et en aidant le curé. Les plus capables d’entre eux pourront être admis au Petit-Séminaire. Les «Maisons de Dieu» ont produit des fruits indiscutables, mais parfois s’y sont glissés de graves scandales. Pour Van tout débute bien; il se passionne pour sa nouvelle vie, devient très brillant**. Cependant, sa conduite exemplaire porte ombrage à certains catéchistes attiédis**. L’un d’eux, Vinh, essaie en vain d’abuser de lui, puis lui fait subir en secret une série de sévices corporels. Après deux semaines, la lingère de la cure remarque des traces de sang sur le linge de Van. L’abbé Nha, mis au courant, fait soigner l’enfant et défend à Vinh de le recevoir désormais dans sa chambre.

Mais peu après, les catéchistes, jaloux de Van, organisent une sorte de tribunal pour le «juger». Après des scènes humiliantes, on lui reproche ses communions quotidiennes. Ce reproche engendre une crise spirituelle: «J’étais troublé et je souffrais terriblement de penser que, sans être digne comme les saints, j’avais eu la témérité de communier tous les jours… J’en vins à ne plus communier tous les jours… Je vis alors réapparaître les défauts de ma première enfance». Dans cette rude épreuve, Van se tourne vers Marie et récite avec persévérance son chapelet.

Enfin, Vinh quitte la «Maison de Dieu» avec plusieurs autres catéchistes. Le calme revient, mais l’ambiance de la Maison n’a pas beaucoup changé: alcool, jeux d’argent, grossièretés, présence de filles dévergondées. Van doit consacrer la majeure partie de son temps au travail manuel. Arrivé à l’âge de douze ans, il possède le certificat d’études, mais on ne lui permet pas d’avancer davantage sa scolarité, et tout son temps est employé à des services. Un jour, il s’enfuit pour rentrer chez ses parents; mais ceux-ci le renvoient à Huu-Bang. Deux mois plus tard, Van s’enfuit à nouveau et commence une vie de mendicité. «Mon métier, écrira-t-il, allait consister désormais à tendre la main aux passants… Après une semaine de cette vie, j’étais méconnaissable. J’avais les mains et les pieds amaigris, la peau brunie par le soleil et les joues creuses… Je ne trouvais pourtant rien de pénible dans cette vie de pauvre vagabond. J’éprouvais au contraire une joie paisible à souffrir pour Dieu. Je savais qu’en m’évadant, j’avais fui le péché, j’avais fui ce qui afflige le Coeur de Dieu».

Rentré chez lui après quelques temps d’errance, il est reçu comme un fils dégénéré: «Très mécontente, ma mère me traitait comme si je n’étais plus son enfant… la porte de mon coeur se ferma hermétiquement: je n’osais plus lui adresser une parole affectueuse et je pleurais pendant de longues nuits». Lê, sa grande soeur, reste son seul appui. Peu après, l’abbé Nha, visitant sa famille, n’hésite pas à accuser Van de vol. Une tentation terrible assaille alors l’enfant: «J’en vins à me considérer comme un être abject. Le démon faisait naître en moi cette pensée: si les hommes ne peuvent plus me supporter, comment Dieu me supporterait-il davantage? Je vais bientôt mourir et je devrai tomber en enfer». Heureusement, Marie demeure son espérance. Un jour, il ouvre son coeur à un prêtre qui le réconforte par ces paroles: «Accepte de bon coeur toutes ces épreuves et offre-les au Seigneur. Si Dieu t’a envoyé la croix, c’est un signe qu’Il t’a choisi».

Transformée en un instant

Noël 1940. «Le sens mystérieux de la souffrance m’échappait, écrira Van… Pourquoi Dieu me l’avait-Il envoyée?… La Messe de minuit commence… Dans mon coeur, il fait sombre et froid». L’instant de la communion arrive: «J’étreins Jésus dans mon coeur. Une joie immense me saisit… Pourquoi mes souffrances me paraissent-elles si belles? Impossible à dire… En un instant, mon âme fut transformée. Je n’avais plus peur de la souffrance… Dieu me confiait une mission: celle de changer la souffrance en bonheur… Puisant sa force dans l’Amour, ma vie ne sera plus désormais que source de bonheur».

Cette grâce n’est pas une illusion: Van n’est plus le même. Son cadre de vie change également: sa tante Khanh le prend chez elle pour plusieurs mois. Une humble tâche lui incombe: faire paître le boeuf. Mais il intensifie son union à Dieu. Il écrira: «Combien d’âmes, dans leur relation à Dieu, ont encore peur de Lui comme d’un être très élevé et très lointain? Ne percevant pas ce qu’est l’Amour, ces gens-là n’osent jamais se permettre la moindre pensée d’intimité avec Dieu».

Van butte cependant encore sur ses défauts. À la suite d’une vexation, il s’obstine à très peu manger et sa tante doit le ramener chez ses parents. Peu après, l’abbé Nha vient rétablir la vérité sur l’affaire du vol, innocenter Van et demander à le reprendre à Huu-Bang. Après avoir prié, Van accepte. Mais à Huu-Bang, le désordre et le scandale règnent toujours. «Pourquoi Dieu m’a-t-Il poussé à revenir?» se demande Van. Inspiré par la Sainte Vierge, il fait le voeu de virginité.

“Puis, il comprend que sa mission est de s’opposer aux mauvais exemples et d’aimer ses compagnons, ce qu’il s’applique à réaliser avec un groupe de camarades plus jeunes.”

Jamais je n’y parviendrai

Grâce à un ami, Van est admis au Petit-Séminaire de Lang-Son, en 1942. Six mois après, faute de ressources, l’établissement doit fermer ses portes, mais Van peut continuer ses études à la cure de la paroisse Sainte-Thérèse de l’Enfant-Jésus de Quang-Uyên, sous la conduite de deux Pères dominicains. Il veut devenir saint, mais ne sait comment faire: «Malgré mon immense désir d’arriver à la sainteté, j’avais la certitude que jamais je n’y parviendrais, car pour être un saint, il faut jeûner, se frapper à coups de fouet, porter une pierre au cou, des chaînettes hérissées de pointes, une chemise de crins durs, endurer le froid, la gale, etc. Mon Dieu, s’il en est ainsi, je renonce… Tout cela est bien au-dessus de mes forces».

Van étale sur une table plusieurs vies de saints. Puis, les yeux fermés, il pose sa main au hasard: «J’ouvris les yeux, ma main était posée sur un livre que je n’avais encore jamais lu: Histoire d’une âme de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus… À peine avais-je lu quelques pages, que deux torrents de larmes coulèrent sur mes joues… Ce qui me bouleversa, ce fut le raisonnement de la petite Thérèse: «Si Dieu ne s’abaissait que vers les fleurs les plus belles, symbole des saints docteurs, son amour ne serait pas assez absolu, car le propre de l’Amour c’est de s’abaisser jusqu’à l’extrême limite… De même que le soleil éclaire en même temps les cèdres et chaque petite fleur comme si elle était seule sur la terre, de même Notre-Seigneur s’occupe aussi de chaque âme comme si elle n’avait pas de semblable»… J’ai compris alors que Dieu est Amour… Je puis me sanctifier au moyen de toutes mes petites actions… Un sourire, une parole ou un regard, pourvu que tout soit fait par amour».

Un matin, Van se rend au pied de la colline voisine. Soudain, dans le silence, il sursaute: une voix l’appelle. «Van, Van, mon cher petit frère!» Personne autour de lui! La voix reprend: «Van, mon cher petit frère!» Il pousse un cri de joie: «Oh! c’est ma soeur, Thérèse – Oui, c’est bien ta soeur, Thérèse… Tu seras désormais personnellement mon petit frère… À partir de ce jour, nos deux âmes ne feront qu’une seule âme, dans le seul amour de Dieu… Dieu veut que les leçons d’amour qu’Il m’a enseignées autrefois dans le secret du coeur, se perpétuent en ce monde. C’est pourquoi Il a daigné te choisir comme petit secrétaire pour réaliser son oeuvre».

Marcel Van et Sainte Thérèse de l’enfant-Jésus

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus l’enseigne: «Dieu notre Père veille sur les moindres détails de nos vies… Dieu est Père et ce Père est Amour. Il est d’une bonté et d’une bienveillance infinies… Mais depuis le jour où nos premiers parents ont péché, la crainte a envahi le coeur de l’homme et lui a enlevé la pensée d’un Dieu Père, infiniment bon… Alors, Dieu a envoyé son Fils… Jésus est venu dire à ses frères les hommes que l’amour du Père est une source inépuisable… Être les enfants de Dieu, c’est là pour nous un immense bonheur. Soyons-en fiers et ne cédons jamais à une crainte excessive… N’aie jamais peur de Dieu… Ne crains pas de te montrer familier avec le Bon Dieu comme avec un ami. Raconte-Lui tout ce que tu veux: tes jeux de billes, l’ascension d’une montagne, les taquineries de tes camarades, tes colères, tes larmes ou les petits plaisirs d’un instant… – Mais, petite soeur, Dieu connaît déjà toutes ces choses… – C’est vrai, petit frère… Cependant, pour donner l’amour et recevoir l’amour, Il doit s’abaisser et Il le fait comme s’Il oubliait qu’Il connaît toute chose, dans l’espoir d’entendre une parole intime jaillir de ton coeur».

Depuis fort longtemps, Van désire devenir prêtre: «Pour cela, écrira-t-il, j’ai tout sacrifié en m’imposant de nombreux efforts tant spirituels que corporels». Mais un jour, Thérèse lui dit: «Van, mon petit frère, j’ai une chose importante à te dire… Mais cela va te rendre très triste… Dieu m’a fait connaître que tu ne seras pas prêtre». Le jeune homme se met à sangloter: «Je ne pourrai jamais vivre sans être prêtre… – Van, reprend Thérèse, si Dieu veut que ton apostolat s’exerce dans une autre sphère, qu’en penses-tu?… Ce qui demeure le plus parfait, c’est de faire la volonté de notre Père du Ciel… Tu seras avant tout apôtre par la prière et le sacrifice, comme je l’ai été moi-même autrefois». Thérèse oriente alors le regard de Van sur ce passage si important de l’Histoire d’une âme: «J’ai compris que l’Amour seul faisait agir les membres de l’Église… Je compris que l’Amour renfermait toutes les vocations, que l’Amour était tout, qu’il embrassait tous les temps et tous les lieux… en un mot, qu’il est Éternel».

Van demeure intrigué: «Thérèse, ma soeur, en quoi consiste cette vocation cachée, si je ne deviens pas prêtre? – Tu entreras dans un couvent où tu te consacreras à Dieu». Une nuit de l’hiver 1942-1943, Van fait un rêve mystérieux: «J’aperçus quelqu’un qui s’avançait vers la tête de mon lit… Ce personnage habillé tout de noir était assez grand et son visage reflétait une grande bonté… Il me posa la question: «Mon enfant, veux-tu?» Spontanément, je répondis: «oui»».

Quelques jours plus tard, Van découvre dans la maison une statue qui ressemble étrangement à son rêve: c’est celle de saint Alphonse de Liguori, fondateur des Rédemptoristes (1696-1787). Sainte Thérèse lui confirme sa vocation de Frère rédemptoriste, puis lui annonce de nouvelles épreuves: «Petit frère chéri, tu rencontreras des épines sur la route, et le ciel maintenant serein se couvrira de sombres nuages… Tu verseras des larmes, tu perdras la joie et tu seras comme un homme réduit au désespoir… Mais souviens-toi que le monde a ainsi traité Jésus et qu’un Rédemptoriste ressemble à son Sauveur… Cependant, n’aie pas peur. Pendant cette tempête, Jésus continuera à vivre dans la barque de ton âme… Petit frère, tu ne m’entendras plus causer aussi familièrement avec toi comme je le fais maintenant. Ne va pas croire que je t’abandonne; au contraire, je reste sans cesse près de toi comme se doit une grande soeur… En ce monde, c’est la souffrance qui est la preuve de ton amour, c’est la souffrance qui donne à ton amour toute sa signification et sa valeur».

Jusqu’au bout de la route

Peu après, à la cure de Quang-Uyên, le climat se dégrade en raison des restrictions de nourriture dues à la guerre. Après bien des brimades, Van est chassé de la communauté, début juin 1943. Au bord du désespoir, il s’écrie: «Ô mon Dieu, je veux mourir et mourir ici-même pour n’avoir pas à porter cette honte en présence de ma famille!» Mais Thérèse, qui s’est tue depuis longtemps, l’encourage à nouveau. Van se tourne vers la Très Sainte Vierge: «Ô Mère, je m’abandonne entièrement à toi… Je n’ai que mes blessures et mes larmes à t’offrir… Mais avec toi, je veux aller jusqu’au bout de la route…» ****

De retour chez ses parents, il demande son admission chez les Rédemptoristes de Hanoï. Le 16 juillet 1944, il se présente au couvent, mais, devant sa jeunesse, on lui impose d’attendre trois ans. Abattu, il rentre chez lui. Cependant, sa mère l’encourage à persévérer.

De fait, début août, sur la recommandation d’une personne amie, Van est reçu chez les Rédemptoristes d’Hanoï comme domestique et, le 17 octobre suivant, il est enfin admis au postulat et reçoit le nom de Frère Marcel. Après les joies du début, les croix ne manquent pas: surtout les moqueries de ses confrères. Dès son noviciat, à la demande de son conseiller spirituel, il écrit son autobiographie. Pendant deux ans, Jésus, Marie et Thérèse le favorisent de colloques intimes. Mais, le 9 septembre 1946, lendemain de sa première profession, Jésus lui dit: «Mon enfant, ta part à toi, maintenant, c’est de sacrifier les moments de douce intimité avec moi, pour me permettre d’aller à la recherche des pécheurs… Ensuite, mon petit Van, sache que tu auras à souffrir de la part des supérieurs et des frères; mais ces épreuves seront le signe que tu es agréable à mon Coeur. Je te mendie toutes ces souffrances pour t’unir à moi dans l’oeuvre de sanctification des prêtres».

Frère Marcel entre dans une nouvelle «nuit» de la foi. Tout le côté sensible disparaît et il ne reste plus que la monotonie du sacrifice, dans la foi pure. En 1950, le jeune Frère est envoyé à Saïgon puis à Dalat. En juillet 1954, le Nord-Vietnam est livré aux communistes: de nombreux catholiques s’enfuient vers le Sud. Quelques Rédemptoristes demeurent dans la maison de Hanoï pour prendre soin des chrétiens qui restent. Frère Marcel comprend que Jésus lui demande de les rejoindre: «J’y vais, dit-il, pour qu’il y ait quelqu’un qui aime le Bon Dieu au milieu des communistes». Après quelques semaines, il écrit à sa soeur Anne-Marie: «Bien souvent, je suis accablé de tristesse, et je ne fais que penser: Ah! si je n’étais pas venu à Hanoï… Mais il y avait tellement d’insistance dans la voix de Jésus!»

Le samedi 7 mai 1955, en allant au marché, il entend des gens critiquer le gouvernement du Sud. Frère Marcel intervient: «Moi, j’arrive du Sud et le gouvernement n’a jamais agi de la sorte!» Quelques minutes plus tard, il est arrêté et conduit au bureau de la Sûreté, puis incarcéré. Cinq mois après, il est transféré à la prison centrale de Hanoï où il retrouve de nombreux catholiques et des prêtres. Il écrit à son Supérieur: «Si je voulais vivre, ce me serait facile: je n’aurais qu’à vous accuser. Mais soyez sans crainte, jamais je n’y consentirai». Puis, à son confesseur: «Dans les derniers mois, j’ai dû lutter de toutes mes forces et endurer tous les supplices du lavage de cerveau. L’ennemi a employé bien des ruses pour me faire capituler, mais je n’ai admis aucune lâcheté». À sa soeur: «Rien ne peut m’enlever l’arme de l’amour. Aucune affliction n’est capable d’effacer le sourire bienveillant que je laisse paraître sur mon visage amaigri. Et pour qui la caresse de mon sourire, si ce n’est pour Jésus, le Bien-Aimé?… Je suis la victime de l’Amour et l’Amour est tout mon bonheur, un bonheur indestructible».

Fin de vie et mort du frère Marcel Van

Un an après son arrestation, calme et maître de lui, il comparaît devant le tribunal de Hanoï. Sur son refus d’avouer qu’il a fait de la propagande pour le Président du Sud-Vietnam, il est condamné à quinze ans de réclusion dans un camp de «rééducation». On le conduit au camp n° 1, où il retrouve des catholiques «tous très fermes dans la foi». Il écrit: «Je suis très occupé, comme l’est un petit curé de paroisse. En dehors des heures de travail obligatoire, je dois continuellement accueillir les gens qui viennent les uns après les autres chercher du réconfort auprès de moi… Dieu lui-même m’a fait savoir que j’accomplis sa volonté. Bien des fois, je lui ai demandé la faveur de mourir dans ce camp, mais chaque fois, Il m’a répondu: je suis prêt à suivre ta volonté comme tu suis toujours la mienne, mais il y a les âmes qui ont encore besoin de toi…»

En août 1957, Frère Marcel Van est transféré au camp n° 2. Après une tentative d’évasion pour aller chercher des hosties, il est repris, battu et enfermé dans un cachot malsain. Tout se durcit autour de lui: plus de visites, plus de courrier, et, au début de 1958, il passe trois mois dans les fers, seul, sans appui, ni lumière, sauf celle qui brille dans son coeur. Rongé par la tuberculose et le béribéri, il rend le dernier soupir le 10 juillet 1959, à l’âge de 31 ans.

Le procès informatif en vue de la béatification de Van a été ouvert en 1997.

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